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Pas de tour de vis pour les producteurs de matériel de guerre

L'initiative contre le commerce de guerre n'a pas été acceptée (image symbolique). © KEYSTONE/ANTHONY ANEX
L'initiative contre le commerce de guerre n'a pas été acceptée (image symbolique). © KEYSTONE/ANTHONY ANEX


Publié le 29.11.2020


Les producteurs de matériel de guerre ne verront pas leur source de financement s'amenuiser. Le peuple a rejeté dimanche à 57,45% l'initiative "contre le commerce de guerre". Le scrutin a été marqué par un roestigraben et un fossé ville-campagne.

Seuls quatre cantons, dont trois romands, ont voté pour le texte. Le canton urbain de Bâle-Ville s'est montré le plus enthousiaste avec 57,92% de "oui". Le Jura suit avec 55,01%, devant Genève (53,12%) et Neuchâtel (52,57%). Vaud refuse l'initiative du bout des lèvres (50,79%). Les cantons bilingues de Fribourg (54,9%), du Valais (64,62%) et de Berne (54,76%) se sont également opposés au texte.

Les opposants les plus virulents viennent de Suisse centrale. Nidwald a balayé le texte à 75,18%, devant Schwytz (74,24%) et Obwald (72,58%). Au final, le camp du "non" a rassemblé près d'un million et demi d'électeurs. Et un peu plus d'un million de votants ont glissé un bulletin favorable.

L'initiative du Groupe pour une Suisse sans armée (GSsA) et des Jeunes Verts voulait interdire le financement des producteurs de matériel de guerre dans le monde. La Banque nationale suisse (BNS), de même que les fondations et les institutions de prévoyance, n'auraient plus pu financer les entreprises réalisant plus de 5% de leur chiffre d’affaires annuel avec ce matériel.

Score "pas trop mauvais"

Le score n'est "pas trop mauvais", selon Thomas Bruchez, secrétaire du GSsA. "Une part de la population nous a entendus et nous soutient", a-t-il noté. Mais de pointer du doigt "une campagne de la peur des opposants". Chez les Jeunes Verts, c'est la déception. "Mais le résultat ne nous surprend pas vraiment", a déclaré Julia Küng, coprésidente du parti.

Ada Marra (PS/VD) note, elle, que la neutralité "en prend un coup". Pour Lisa Mazzone (Verts/GE), "l'initiative sur le commerce de guerre" a mis en évidence le rôle de la BNS et ses pratiques parfois contradictoires avec notre politique. "Ces dissonances vont émerger toujours plus dans le débat public et le Parlement va devoir s'y intéresser", selon elle

Créer des conditions optimales

La Suisse poursuivra son engagement pour une place financière plus durable, a assuré le ministre de l'économie Guy Parmelin. Elle ne le fera toutefois pas au moyen d'interdictions, comme le voulait le texte, mais en créant les conditions optimales et en dialoguant.

A cette fin, le gouvernement a adopté un rapport et des lignes directrices pour le secteur financier l'été dernier, a précisé le conseiller fédéral. Interrogé sur l'efficacité limitée de l'autorégulation des entreprises, il a pointé qu'aucune entreprise n'aime voir son image endommagée.

Quant au comité bourgeois (PLR, UDC, PDC, PBD) contre l'initiative pour "une interdiction du commerce de guerre", il estime que le texte aurait été difficile à mettre en oeuvre. Par ces temps de Covid-19, "il aurait représenté une charge supplémentaire pour l'économie", selon la conseillère nationale Maja Riniker (PLR/AG).

En rejetant nettement l'initiative, les Suisses ont montré leur attachement à une place économique forte, selon Carmelo Laganà, suppléant romand d’economiesuisse. Les investisseurs ont déjà pris les devants pour choisir des fonds éthiques, selon lui. Pour l'Union suisse des arts et métiers (usam), le texte se serait révélé extrêmement préjudiciable pour les institutions de prévoyance.

Menace sur les emplois

Chaque investisseur a le droit de décider dans quels domaines il a envie d'investir, a déclaré le conseiller aux Etats Philippe Bauer (PLR/NE) sur les ondes de la RTS.

Pour le conseiller national Jean-Luc Addor (UDC/VS), l'initiative issue des milieux qui ont toujours visé l'abolition de l'armée aurait menacé notre sécurité et de nombreux emplois. La règlementation sur le matériel de guerre est déjà extrêmement stricte, a-t-il déclaré sur le plateau de la RTS.

La conseillère nationale Christine Bulliard-Marbach (PDC/FR) a indiqué que ce refus montre l'attachement des Suisses à une politique de défense "responsable", qui inclut une capacité de produire du matériel de guerre. Le conseiller national François Pointet (PVL/VD) estime lui que l'initiative ne remplissait pas les objectifs pour plus de paix dans le monde.

D'autres initiatives

Pour la suite, Thomas Bruchez indique que des actions sont à entreprendre pour une "interdiction totale du financement tant direct qu'indirect des entreprises productrices d'armes prohibées". Il évoque aussi l'initiative "contre les exportations d’armes dans des pays en proie à la guerre civile", qui devrait être soumise au vote en 2021.

ats

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