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Prévention d'atrocités: l'ONU vante le "modèle d'inclusion" suisse

Le conseiller spécial du secrétaire général de l'ONU pour la prévention du génocide Adama Dieng mentionne des "éléments" de génocide contre les Rohingyas en Birmanie où se sont rendus récemment des représentants internationaux (archives). © KEYSTONE/EPA/NYUNT WIN
Le conseiller spécial du secrétaire général de l'ONU pour la prévention du génocide Adama Dieng mentionne des "éléments" de génocide contre les Rohingyas en Birmanie où se sont rendus récemment des représentants internationaux (archives). © KEYSTONE/EPA/NYUNT WIN


Publié le 05.03.2018


L'ONU voit dans la Suisse "un modèle d'inclusion" pour la prévention des atrocités. Son conseiller spécial sur cette question a appelé lundi les Etats à verser 0,1% de leur PIB à cette tâche, en marge du lancement d'un bureau d'Action mondiale (Gaamac) à Genève.

Adama Dieng dit "citer toujours le préambule de la Constitution suisse" qui "montre toute l'importance de l'inclusion". Or, "là où il y a des atrocités perpétrées, nous observons qu'il y a eu à la base des discriminations et de l'exclusion", explique dans un entretien à l'ats le conseiller spécial du secrétaire général de l'ONU pour la prévention du génocide.

"Je voudrais voir cette expérience" de la Suisse être importée par les Etats, ajoute-t-il. Certains pays ont aussi pu appréhender "la diversité de manière constructive".

Pour autant, la Suisse ne s'estime pas épargnée par les menaces d'atrocités. "Aucun Etat n'est immunisé", a affirmé son émissaire pour la justice transitionnelle et la prévention des atrocités Mo Bleeker. "Cela peut arriver ici, demain. Nous devons être prêts", a-t-elle dit lors d'une réunion sur l'Action mondiale contre les crimes et les atrocités de masses (Gaamac).

La Suisse va démarrer sa première politique nationale sur cette question. D'autres Etats en ont déjà établi une. Par ailleurs, Mme Bleeker assure actuellement la présidence de la Gaamac, lancée en 2013 et dont la 3e conférence mondiale est prévue en mai.

"Des atrocités ont lieu"

Opérationnel depuis quelques jours avec quelques employés, son bureau à Genève a été officialisé lundi. Cette plate-forme aide à oeuvrer contre les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité, le génocide et le nettoyage ethnique.

"A l'heure actuelle, des atrocités ont lieu. La communauté internationale et le Conseil de sécurité n'ont pas réussi à les empêcher ou les stopper", estime Mme Bleeker. Or, des évaluations et des actions rapides, notamment en 2008 en Bolivie, ont montré qu'il est possible d'éviter que des violences se dégradent en massacres plus importants.

Il faut aussi oeuvrer sur le dialogue entre communautés et le renforcement de l'Etat de droit sur le long terme. Selon Mme Bleeker, les pays doivent s'approprier le dispositif par des politiques nationales que la communauté internationale vient compléter. Il est "difficile" de montrer quand la prévention fonctionne puisque de possibles atrocités n'ont pas eu lieu, a ajouté l'ambassadeur suisse auprès de l'ONU à Genève Valentin Zellweger.

Selon M. Dieng, les Etats n'ont pas encore investi "tout le capital politique" nécessaire pour réduire les risques d'atrocités. Ils n'ont pas non plus soutenu assez financièrement des initiatives comme la Gaamac. "Même s'ils dépensaient 0,1% de leur Produit intérieur brut (PIB), cela ferait des différences énormes", estime le conseiller spécial.

"Eléments de génocide" en Birmanie

M. Dieng affirme que la Gaamac permet des discussions ouvertes et "franches" entre Etats et société civile, notamment sur les bonnes pratiques. Et de rejeter toute division entre cette institution et les travaux menés à l'ONU pour protéger les populations. "Aucun Etat ne remet en cause la prévention", priorité du secrétaire général Antonio Guterres, affirme le Sénégalais.

M. Dieng a présenté par ailleurs devant le Conseil des droits de l'homme une étude sur la contribution de la justice transitionnelle pour la prévention, dans laquelle il demande de renforcer son bureau. Il se rendra mardi au Bangladesh pour mettre en avant la situation des Rohingyas musulmans qui ont fui la Birmanie.

"Des éléments physiques du crime de génocide" peuvent être observés en Birmanie, dit-il. Seul un tribunal pourra établir si ces atrocités peuvent être considérées avec cette qualification.

Le Soudan du Sud le préoccupe également. Dans ce pays, "aussi longtemps que les responsables de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre bénéficieront d'impunité, il est fort à craindre que ces crimes vont continuer à être perpétrés". Il faut saluer comme une "première" les menaces de sanctions lancées par l'Union africaine (UA), ajoute M. Dieng.

ats

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