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Procès "mains rouges": une spécialiste entendue

Avant son audience en seconde instance, le jeune condamné pour dommages à la propriété sur un bâtiment de Credit Suisse en 2018 a reçu le soutien d'une trentaine de militants pro-climat devant le Palais de justice de Genève. Les activistes ont dénoncé la politique d'investissement de la banque. © KEYSTONE/VALENTIN FLAURAUD
Avant son audience en seconde instance, le jeune condamné pour dommages à la propriété sur un bâtiment de Credit Suisse en 2018 a reçu le soutien d'une trentaine de militants pro-climat devant le Palais de justice de Genève. Les activistes ont dénoncé la politique d'investissement de la banque. © KEYSTONE/VALENTIN FLAURAUD


Publié le 21.09.2020


A Genève, le procès en appel de l'activiste du collectif Breakfree Suisse, condamné pour dommages à la propriété sur un bâtiment de Credit Suisse (CS) en 2018, a eu lieu lundi. Le tribunal a accepté d'entendre une spécialiste de l'environnement.

"J'ai signé des appels à la désobéissance civile non violente. C'est notre rôle d'agir en accord avec nos constatations scientifiques", a déclaré Julia Steinberger à la Chambre pénale d'appel et de révision. La professeure ordinaire sur les enjeux sociétaux liés à l'impact des changements climatiques à l'Université de Lausanne est co-auteure du prochain rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC).

La spécialiste a expliqué que de nombreux pays signataires de l'Accord de Paris ne mettent pas en oeuvre leurs engagements. "Si les émissions de gaz à effet de serre se poursuivent au niveau actuel, nous atteindrons trois degrés de plus ce siècle. A eux seuls, les investissements de la place financière suisse soutiennent un réchauffement de quatre à six degrés", a-t-elle indiqué.

Investissements dénoncés

Canicules, dangers naturels, disparition de la biodiversité ou encore perturbation du cycle hydraulique: les conséquences d'une hausse des températures touchent déjà la population suisse, a expliqué Mme Steinberger, citant un rapport de la Confédération. "Non seulement les climatologues ne sont pas écoutés, mais ils font l'objet d'attaques des industries fossiles", a-t-elle relevé.

C'est justement pour dénoncer les investissements dans les énergies fossiles qu'une quinzaine de manifestants, lors de la première grande Marche pour le climat le 13 octobre 2018, ont apposé leurs mains couvertes de peinture rouge sur des pages du rapport du GIEC et sur le siège genevois de CS. Le collectif Breakfree Suisse cherche, de manière graduelle, à faire réagir la banque depuis 2016.

Interpellé à la fin de l'action, le prévenu, aujourd'hui âgé de 23 ans, a recouru contre sa condamnation par ordonnance pénale puis à sa condamnation à 10 jours-amendes à 30 francs avec sursis par le Tribunal de police en février. Son procès en appel intervient à la veille de celui des douze militants acquittés du chef de violation de domicile pour avoir mimé une partie de tennis dans les locaux de CS à Lausanne.

Lacunes du droit

Une nouvelle fois, son avocate Laïla Batou a plaidé l'acquittement au bénéfice de l'état de nécessité et invité le tribunal à innover face à l'inaction des pouvoirs publics: "Dans cette situation inédite, le droit doit suivre l'état de la planète. Il n'y a pas, actuellement, de voie judiciaire permettant à des individus d'agir contre CS ou la Suisse pour se défendre."

Satisfaits du jugement de première instance, le Ministère public et l'avocate de CS ont ramené le débat sur la question du dommage à la propriété. Pour la procureure, le tribunal n'a pas à se prononcer sur la politique climatique. Surtout, d'autres moyens licites permettent d'alerter l'opinion publique. De son côté, CS maintient être sensible à la cause climatique. Le verdict sera rendu plus tard.

"Je ne suis pas fier de cette action de désobéissance civile. Mais tout ce qui a été fait dans le cadre du droit n'a pas donné de résultats", a déclaré en substance le prévenu au terme de l'audience. Selon lui, "nos civilisations doivent prendre un tournant drastique."

Nouvelles amendes

Avant l'audience, une trentaine de militants pro-climat ont manifesté leur soutien au prévenu devant le Palais de justice. Les activistes ont dénoncé la politique d'investissement dans les énergies fossiles de CS: la banque joue un rôle majeur dans l'exploitation du pétrole en Amazonie et participe à un projet de sécurisation d'un gigantesque gisement de gaz au Mozambique.

L'organisatrice de l'action recevra une contravention, a indiqué le porte-parole de la police genevoise. Seules cinq personnes avaient été autorisées à se rendre au pied des marches du Palais de justice. Les conditions posées par la police n'ayant pas été respectées, une sanction suivra.

ats

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