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Russie encore condamnée à payer 50 milliards dans l'affaire Ioukos

La cour permanente d'arbitrage avait estimé que la mise en faillite de Ioukos avait été orchestrée par Moscou à des fins politiques afin d'anéantir les ambitions de son propriétaire, l'opposant au Kremlin Mikhaïl Khodorkovski (archives). © KEYSTONE/EPA/YURI KOCHETKOV
La cour permanente d'arbitrage avait estimé que la mise en faillite de Ioukos avait été orchestrée par Moscou à des fins politiques afin d'anéantir les ambitions de son propriétaire, l'opposant au Kremlin Mikhaïl Khodorkovski (archives). © KEYSTONE/EPA/YURI KOCHETKOV
La cour permanente d'arbitrage avait estimé que la mise en faillite de Ioukos avait été orchestrée par Moscou à des fins politiques afin d'anéantir les ambitions de son propriétaire, l'opposant au Kremlin Mikhaïl Khodorkovski (archives). © KEYSTONE/EPA/YURI KOCHETKOV
La cour permanente d'arbitrage avait estimé que la mise en faillite de Ioukos avait été orchestrée par Moscou à des fins politiques afin d'anéantir les ambitions de son propriétaire, l'opposant au Kremlin Mikhaïl Khodorkovski (archives). © KEYSTONE/EPA/YURI KOCHETKOV


Publié le 18.02.2020


Plus de quinze ans après les faits, un tribunal néerlandais a condamné mardi en appel la Russie à verser 50 milliards de dollars d'indemnisation aux ex-actionnaires de l'ancien groupe pétrolier Ioukos. La Russie a immédiatement annoncé son intention de faire appel.

Statuant sur le volet principal de cette tentaculaire affaire, la cour d'appel de La Haye a annulé un jugement de 2016 favorable à la Russie qui contestait une décision antérieure de la cour permanente d'arbitrage (CPA), octroyant aux ex-actionnaires 50 milliards de dollars d'indemnisation.

"La cour d'appel de La Haye a décidé aujourd'hui qu'un jugement antérieur en faveur de la Fédération de Russie était incorrect", a-t-elle expliqué dans un communiqué. La décision initiale de la CPA "est de nouveau en vigueur".

La Russie a immédiatement annoncé qu'elle contesterait le jugement. Le ministère russe de la justice a regretté que la cour ait "ignoré le fait que les anciens actionnaires de Ioukos n'étaient pas tous des actionnaires de bonne foi".

Raisons politiques invoquées

"Le Kremlin a perdu à La Haye face aux actionnaires de Ioukos", s'est en revanche réjoui sur Twitter l'ex-patron de Ioukos, Mikhaïl Khodorkovski.

Accusée par les ex-actionnaires d'avoir orchestré le démantèlement de Ioukos pour des raisons politiques, la Russie avait été condamnée à les indemniser en 2014 par la CPA, juridiction internationale située à La Haye, ce que le pouvoir russe a refusé.

Estimant que la CPA n'avait pas compétence pour octroyer cette indemnisation, un tribunal néerlandais avait annulé son jugement en 2016, ce que les ex-actionnaires contestaient mardi.

Dirigée par l'oligarque et ennemi déclaré du Kremlin Mikhaïl Khodorkovski, arrêté en 2003 et libéré après une décennie de prison, Ioukos a été accusé par Moscou de fraude fiscale et d'escroquerie de grande ampleur.

L'entreprise, alors premier producteur d'or noir russe, avait été placée en liquidation judiciaire en août 2006, après un procès retentissant largement considéré comme inspiré par le Kremlin pour contrecarrer les ambitions politiques de M. Khodorkovski.

Compétence de la cour

Ioukos avait été vendu à la découpe en grande partie au groupe pétrolier public russe Rosneft. Cette entreprise, de taille modeste alors, est devenue grâce aux actifs du groupe démantelé un géant mondial, piloté par un homme de confiance de Vladimir Poutine, Igor Setchine. Les anciens actionnaires de Ioukos tentent depuis d'être indemnisés.

Une pierre angulaire du procès a été la question de la compétence de la CPA pour juger de la question. La cour s'était fondée sur le traité sur la charte de l'énergie (TCE), qui protège les investissements internationaux dans les projets énergétiques.

"La Fédération de Russie a signé le TCE, mais ne l'a pas ratifié", avait assuré la justice néerlandaise en 2016, estimant "contraires à la loi russe" les décisions de la CPA. En appel, les juges ont en revanche dit que "la Russie avait l'obligation d'appliquer le traité sauf s'il contrevenait à la loi russe". Or, "la cour estime qu'il n'y a pas eu d'infraction à la loi russe".

"Corruption", "agissements illégaux"

Une autre question "a trait aux circonstances de la prise de contrôle de Ioukos par les oligarques russes au cours de sa privatisation en 1995 et 1996", a indiqué à l'AFP avant le jugement de mardi Andrea Pinna, avocat de la Russie.

Après la chute de l'URSS, des hommes d'affaires peu scrupuleux ont amassé des fortunes en acquérant pour des sommes très réduites les actifs soviétiques, en particulier dans le secteur des matières premières, alors que le pays était plongé dans une crise profonde et que la population glissait dans la pauvreté. Parmi eux, M. Khodorkovski.

"La Russie estime que l'acquisition de Ioukos n'a été possible que par corruption et autres agissements illégaux", affirme Me Pinna, soulignant qu'il ne s'agit "pas d'un dossier politique, mais d'un dossier purement juridique qui a un enjeu financier de 50 milliards de dollars".

Arrêté en 2003, M. Khodorkovski a été libéré en décembre 2013 à la suite d'une grâce du président russe, et vit depuis en exil. Son associé, Platon Lebedev, a passé plus de 10 ans en prison suite à des procès dénoncés par les défenseurs des droits de l'homme.

L'affaire Ioukos est largement considérée comme le moment où Vladimir Poutine a mis au pas les grands oligarques russes dont l'influence sur le système politique a connu son apogée sous Boris Eltsine.

ats, afp

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