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Solution boiteuse pour brider le lobbyisme au Parlement

Une majorité de partis ne veut rien changer à la pratique actuelle en matière de lobbying au Parlement (archives). © Keystone/PETER KLAUNZER
Une majorité de partis ne veut rien changer à la pratique actuelle en matière de lobbying au Parlement (archives). © Keystone/PETER KLAUNZER


Publié le 02.05.2018


Les lobbyistes au Parlement à Berne peuvent souffler: le projet de loi d'une commission parlementaire visant à mieux les encadrer récolte une pluie de critiques. L'association professionnelle des lobbyistes de Suisse, la SSPA, le qualifie même d'antidémocratique.

Ce projet, élaboré par la commission des institutions politiques du Conseil des Etats en réponse aux initiatives parlementaires de Didier Berberat (PS/NE) et Andrea Caroni (PLR/AR), "est insuffisant et douteux du point de vue démocratique", écrit la Société suisse de Public Affairs (SSPA).

Car pour cette dernière, il en va de la formation de l'opinion publique. Le projet soumis aux milieux intéressés jusqu'à mercredi ne propose pas assez de garde-fous. On continue de miser sur les "badges de parrainage" nébuleux auxquels chaque parlementaire a droit.

Actuellement, les députés peuvent demander des cartes d'accès pour deux personnes. Dans le nouveau projet, seule une carte pourra servir à un lobbyiste. L'autre sera réservée à un membre de la famille ou à un conseiller personnel.

"La commission élude clairement le mandat que lui a donné le Parlement". Elle laisse au député l'entière responsabilité du choix du lobbyiste. Cela n'améliore en rien la transparence. La commission n'a clairement pas voulu que ce soit un organe parlementaire qui décide de l'accès des représentants d'intérêts. Pour la SSPA, cela revient à une inégalité de traitement envers les lobbyistes professionnels.

Chance ratée

Transparency International estime également que l'on manque une fois de plus une chance d'examiner en détail le lobbying au niveau fédéral. Il n'y a pas que les cartes d'accès qui sont problématiques, mais tout le travail des groupes d'intérêt auprès des parlementaires en dehors du Parlement.

Pour l'ONG, c'est un organe du Parlement qui devrait décider des autorisations d'accès, de la tenue du registre correspondant, de la vérification des renseignements qu'il contient et des sanctions en cas de non-respect des règles. Une position que partagent le PS et les Verts.

Le système du parrainage est "peu transparent et peut créer des dépendances délicates qui favorisent le clientélisme", écrivent les Verts. Le PS réclame un système d'accréditation indépendant pour les lobbyistes. Cette solution n'a cependant pas remporté de majorité en commission. Actuellement, les groupes d'intérêt invités sous la Coupole ne sont pas sur un pied d'égalité. Ils dépendent du poids des partis.

Pour le statu quo

Pour les partis de droite, le nouveau système ne règle rien du tout. Autant en rester au statu quo, économe et clair dans les responsabilités qu'il impose aux parlementaires, selon le PLR, le PDC, economiesuisse et l'Union suisse des arts et métiers. Les députés doivent rendre des comptes à leurs seuls électeurs; s'ils manquent à leur devoir, le peuple se charge de le leur rappeler, enchaîne l'UDC.

Pour le PBD, le projet est vu davantage comme une "mesure d'obstruction aux travaux des parlementaires" plutôt qu'un encouragement à la transparence. Les lobbies font partie de la vie politique. Le PVL estime lui que la commission s'est trompée de cible: l'influence des lobbies ne se mesure pas au nombre de lobbyistes dans la salle des pas perdus.

Identification des lobbyistes

Le problème est ailleurs: les puissants groupes d'intérêts siègent déjà sous la Coupole et défendent leurs billes directement en commission. Il faudrait plutôt imposer un devoir de réserve aux parlementaires ayant des intérêts financiers, comme l'avait demandé en vain une initiative parlementaire de Kathrin Bertschy (PVL/BE).

Tous les partis se montrent cependant ouverts à plus de transparence dans l'identification des lobbyistes, comme le prévoit le projet. Le registre actuel, qui mentionne leur nom ainsi que leur employeur, pourrait contenir d'autres renseignements comme le nom de leurs mandants et les mandats dont ils sont chargés.

ats

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