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Talibans et société civile afghane prennent langue à Oslo

Le ministre des affaires étrangères afghan Amir Khan Muttaqi est à la tête de la première délégation de talibans à venir en Occident depuis leur retour au pouvoir l'an dernier. © KEYSTONE/AP/MUHAMMAD FAROOQ
Le ministre des affaires étrangères afghan Amir Khan Muttaqi est à la tête de la première délégation de talibans à venir en Occident depuis leur retour au pouvoir l'an dernier. © KEYSTONE/AP/MUHAMMAD FAROOQ
Le ministre des affaires étrangères afghan Amir Khan Muttaqi est à la tête de la première délégation de talibans à venir en Occident depuis leur retour au pouvoir l'an dernier. © KEYSTONE/AP/MUHAMMAD FAROOQ
Le ministre des affaires étrangères afghan Amir Khan Muttaqi est à la tête de la première délégation de talibans à venir en Occident depuis leur retour au pouvoir l'an dernier. © KEYSTONE/AP/MUHAMMAD FAROOQ


Publié le 23.01.2022


Avant des entretiens avec des diplomates occidentaux, la première délégation de talibans à se rendre en Europe depuis leur retour au pouvoir a commencé dimanche à Oslo de discuter avec des membres de la société civile afghane. Les droits humains en étaient au centre.

Emmenée par le ministre des Affaires étrangères Amir Khan Muttaqi, la délégation, au premier jour de sa visite, devait rencontrer à huis clos des militantes féministes et des journalistes notamment, à l'hôtel Soria Moria, sur une colline enneigée près d'Oslo.

Une des militantes féministes, Jamila Afghani, a évoqué "une réunion positive pour rompre la glace".

"Les talibans ont fait preuve de bonne volonté", a-t-elle indiqué dans un message à l'AFP. "Voyons si leurs actes suivront leurs paroles".

Les participants ont souligné "que tous les Afghans doivent travailler ensemble pour une amélioration politique, économique et sécuritaire dans le pays", a aussi tweeté le porte-parole du gouvernement islamiste, Zabihullah Mujahid, dans ce qu'il a présenté comme une "déclaration conjointe".

L'urgence humanitaire en Afghanistan et les droits humains sont au coeur de cette visite de trois jours alors que des millions de personnes sont menacées par la faim dans le pays privé d'aides internationales et touché par plusieurs sécheresses.

Parler sans légitimer

Aucun Etat n'a pour l'instant reconnu le gouvernement des talibans, des fondamentalistes islamistes chassés du pouvoir en 2001 mais redevenus maîtres du pays en août dernier après une offensive éclair.

Ces discussions "ne constituent pas une légitimation ni une reconnaissance", a affirmé vendredi la ministre norvégienne des Affaires étrangères Anniken Huitfeldt. "Mais nous devons parler aux autorités qui dirigent de facto le pays", a-t-elle estimé.

Plusieurs dizaines de manifestants ont protesté devant son ministère dimanche aux cris de "Non aux talibans", "talibans terroristes" et "Afghan lives matter", a constaté un journaliste de l'AFP.

Lundi, la délégation rencontrera des représentants des Etats-Unis, de France, du Royaume-Uni, d'Allemagne, d'Italie et de l'Union européenne, avant des contacts bilatéraux avec les autorités norvégiennes mardi.

Dans un entretien avec l'AFP samedi, le porte-parole du gouvernement islamiste, Zabihullah Mujahid, a dit espérer que les discussions contribueraient à "changer l'atmosphère guerrière (...) en situation pacifique".

Clan terroriste

Parmi les quinze membres de la délégation - exclusivement masculine - arrivée samedi soir à bord d'un avion affrété par la Norvège, figure Anas Haqqani, un des chefs du réseau Haqqani.

Responsable de plusieurs attentats meurtriers en Afghanistan, ce clan est considéré par les Etats-Unis comme un groupe terroriste et est devenu une composante majeure du nouveau régime taliban.

Le haut responsable, qui n'a pas de fonction officielle au sein du gouvernement, a été emprisonné plusieurs années dans une prison américaine proche de Kaboul, avant d'être relâché en 2019 lors d'un échange de prisonniers.

"Punition collective"

Depuis août, l'aide internationale qui finançait environ 80% du budget afghan s'est arrêtée et les Etats-Unis ont gelé 9,5 milliards de dollars d'avoirs de la Banque centrale afghane.

Le chômage a explosé et les salaires des fonctionnaires ne sont plus payés depuis des mois.

La faim menace aujourd'hui 23 millions d'Afghans, soit 55% de la population, selon l'ONU qui a réclamé 4,4 milliards de dollars auprès des pays donateurs cette année.

"Ce serait une erreur d'infliger une punition collective aux Afghans juste parce que les autorités de fait ne se comportent pas bien", a répété vendredi le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres.

Paroles, paroles, paroles

La communauté internationale attend cependant de voir comment les fondamentalistes islamistes gouvernent, après avoir piétiné les droits humains lors de leur premier passage au pouvoir entre 1996 et 2001.

Malgré les promesses, les femmes sont largement exclues des emplois dans le secteur public et les écoles secondaires pour filles restent pour la plupart fermées.

Ex-ministre afghane des Mines et du Pétrole aujourd'hui réfugiée en Norvège, Nargis Nehan dit avoir décliné une invitation aux discussions, redoutant qu'"elles normalisent les talibans, qu'elles les renforcent sans qu'ils changent d'un iota".

"Si vous regardez ce qui s'est passé dans les discussions des trois dernières années, les talibans obtiennent toujours ce qu'ils réclament de la communauté internationale et du peuple afghan mais ils n'ont pas fait un seul pas de leur côté", a-t-elle déclaré à l'AFP.

ats, afp

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