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Tanguy Darbellay, le lutteur valaisan qui a choisi Minsk

Le lutteur valaisan Tanguy Darbellay à l'entraînement. © LDD
Le lutteur valaisan Tanguy Darbellay à l'entraînement. © LDD


Publié le 15.06.2020


Le Valaisan Tanguy Darbellay (21 ans) vise les Jeux olympiques de Paris en 2024. Mais son rêve l'a d'abord mené à... Minsk, où il vit et s'entraîne depuis l'automne dernier.

Quelle mouche a piqué le champion de Suisse de lutte libre, catégorie 84 kg ? Tranquillement installé en tête de la hiérarchie en Suisse, il aurait pu rester au pays et continuer à accumuler les succès. Mais il a préféré mettre le cap à l'Est pour progresser aux contacts des lutteurs bélarusses.

"En fait, j'ai subi une blessure assez grave au dos en 2018. Je me suis retrouvé en dehors des cadres nationaux, explique-t-il. Je ne pouvais plus bénéficier des stages d'entraînement. En même temps, j'avais fait la connaissance à Martigny d'un coach bélarusse. J'avais suivi quelques entraînements avec lui. Je l'avais même logé chez moi. Il m'a recontacté un jour pour me dire qu'il était nommé comme troisième coach de la réserve olympique de la région de Minsk."

Tanguy Darbellay décide alors d'effectuer le grand saut. Adieu le cocon helvétique, place au style de vie du Bélarus. "J'avais retrouvé ma condition physique après la blessure. Je cherchais un moyen pour progresser. Je savais que la lutte jouissait d'une très grande considération dans ce pays."

Ainsi, depuis septembre 2019, il est installé à Minsk. Il y a fait connaissance avec une certaine rigueur. Au centre olympique, ce sont deux entraînements par jour, et un cadre pas toujours chatoyant. "Quand je suis arrivé dans ma chambre, le seul matelas qui restait était troué... Pour la nourriture, ils font comme ils peuvent. Parfois, ils perdent ou gagnant du poids juste à cause des repas."

Aller trois fois au sauna et boire de l'alcool

Au pays de l'omnipotent président Alexander Loukachenko, la pandémie du coronavirus n'a eu que peu d'effets sur la vie des citoyens. "Ils ont fermé les centres d'entraînement pendant deux semaines. Mais je pense qu'il y avait une question de subventions dans l'affaire", glisse Tanguy Darbellay.

"Quand la psychose s'est emparée de l'Europe de l'Ouest, le président a déclaré qu'il fallait aller trois fois par jour au sauna et boire 50 centilitres d'alcool pur. Pas un restaurant n'a fermé. Comme il y avait quand même moins de monde dans les rues, ils offraient même de gros rabais", précise-t-il.

L'aspect financier est également à l'origine de son exil bélarusse. "En Suisse, j'aurais dû choisir entre le sport et les études. Ici, je peux concilier les deux. Je me suis inscrit à l'université à distance de Sierre", explique-t-il.

"Mais à Minsk, je peux vivre dans un appartement de deux chambres au centre-ville pour 300 francs par mois. Pour la nourriture, un buffet au restaurant coûte entre 3 et 5 francs. Pour 20 francs, je peux utiliser tous les moyens de transport pendant un mois", énumère-t-il.

Le jeune Valaisan s'est mis à étudier la langue russe il y a dix-huit mois. Aujourd'hui, il peut déjà se débrouiller dans les commerces ou à la banque. "Je pense que je possède un niveau B2", ce qui lui permet aussi de dialoguer avec ses partenaires d'entraînement.

Allers-retours vers la Suisse

Tanguy Darbellay se prépare d'ores et déjà pour les Jeux olympiques de Paris en 2024. Pour Tokyo, c'est de toute façon râpé: "Comme le CIO a diminué le nombre de catégories présentes aux JO, la mienne, les 79 kg, n'est plus en lice. Je dois concourir en 84 kg. Mais la Suisse a déjà un qualifié pour Tokyo avec Stefan Reichmuth."

Le Valaisan dispose de trois bonnes années pour décrocher sa qualification olympique. Champion de Suisse junior et élite l'an dernier, il participera aux Championnats du monde M23 en Finlande en novembre. Il va aussi reprendre ses fastidieux déplacements entre le Bélarus et la Suisse pour participer au Championnat de LNA: "Je combats pour les Uranais de Schattdorf. Il y a des matches toutes les deux semaines entre septembre et décembre si on va en finale. Je dois aussi passer à l'université à Sierre. Je vais combiner tout ça."

Pas question toutefois de quitter le Bélarus pour autant, même si l'entraîneur qu'il avait connu à Martigny exerce désormais aux confins de la frontière russe. Le rêve de Paris passe toujours par les rigueurs du Bélarus.

ats

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