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Tournant social du président chilien pour tenter d'apaiser le pays

Alors que les manifestations se poursuivaient mardi, avec des milliers de contestataires rassemblés dans plusieurs endroits de la capitale, les quelque 7,5 millions d'habitants de Santiago devaient passer une quatrième nuit sous couvre-feu. © KEYSTONE/AP/ESTEBAN FELIX
Alors que les manifestations se poursuivaient mardi, avec des milliers de contestataires rassemblés dans plusieurs endroits de la capitale, les quelque 7,5 millions d'habitants de Santiago devaient passer une quatrième nuit sous couvre-feu. © KEYSTONE/AP/ESTEBAN FELIX


Publié le 23.10.2019


Le président chilien Sebastian Piñera a proposé des mesures sociales afin de mettre fin à cinq jours de troubles qui ont fait 15 morts. Dans un changement de ton radical, il a fait son mea culpa à l'issue d'une réunion avec les partis - mais sans l'opposition.

Le chef d'Etat a reconnu ne pas avoir anticipé l'explosion sociale due à l'augmentation du prix des transports publics. "Je reconnais ce manque de vision et je demande pardon à mes compatriotes", a-t-il déclaré. Un changement de ton spectaculaire de la part de celui qui considérait dimanche le Chili "en guerre contre un ennemi puissant".

Le dirigeant de droite a surtout pris un virage social, avec par exemple l'augmentation de 20% du minimum retraite et le gel des tarifs de l'électricité.

Le ministre de l'Intérieur Andrés Chadwick avait peu avant levé le voile à l'issue d'une réunion à laquelle ont participé des partis d'opposition de centre gauche: "Le président a écouté avec beaucoup d'attention les différentes propositions et va prochainement s'adresser au pays pour proposer un programme social".

"Indispensable et urgent"

M. Piñera avait proposé lundi de mettre autour d'une table toutes les forces politiques pour trouver une de sortie de crise. Mais le Parti socialiste (PS), la formation d'opposition la plus importante, au pouvoir à trois reprises depuis la fin de la dictature en 1990, avait annoncé qu'il ne participerait pas aux discussions organisées au palais présidentiel de La Moneda.

"Nous pensons que le dialogue est indispensable et urgent, mais cela doit être un dialogue ouvert et nous pensons que l'appel du président ne remplit pas ces conditions", avait expliqué le chef du groupe PS au Parlement, Manuel Monsalve.

"Le Chili, ce n'est pas seulement les partis d'opposition, le Chili c'est aussi le monde social qui ne peut pas être exclu d'un pacte social", a-t-il ajouté. D'autres partis du Frente Amplio (Front large, gauche) et de la gauche radicale, représentée depuis 2017 au Parlement, ont également refusé de se joindre aux pourparlers.

Soldats déployés

Le bilan des morts dans des violences, des incendies et des pillages est monté à quinze mardi. Selon le parquet, quatre personnes ont été tuées par des tirs des forces de l'ordre et onze sont mortes dans des incendies et des pillages, principalement de centres commerciaux. Selon les autorités, 239 civils ont été blessés, ainsi qu'une cinquantaine de policiers et de militaires, et 2643 personnes arrêtées.

Près de 20'000 policiers et soldats sont toujours déployés sur le territoire chilien où l'état d'urgence est en vigueur dans la capitale et neuf des 16 régions. C'est la première fois que des militaires patrouillent dans les rues depuis la fin de la dictature du général Augusto Pinochet (1973-1990).

La Centrale unitaire de travailleurs (CUT), la plus grande confédération syndicale du pays, et 18 autres organisations ont appelé à des grèves et des manifestations mercredi et jeudi à Santiago. Les syndicats de la santé publique ont également annoncé pour cette semaine une grève et des actions de protestation devant le ministère de la Santé.

Le prix du métro

Les manifestations ont débuté vendredi pour dénoncer une hausse du prix du ticket de métro. La mesure a ensuite été suspendue par le chef de l'Etat mais les émeutes se sont poursuivies, nourries par la colère face à la situation socio-économique et aux inégalités.

Dans ce pays de 18 millions d'habitants loué pour sa stabilité économique et politique, l'accès à la santé et à l'éducation relève presque uniquement du secteur privé.

"Ce qui se passe n'est pas lié à la hausse de 30 pesos du prix du métro, mais à la situation depuis trente ans. Il y a les retraites, les queues au dispensaire, les listes d'attente à l'hôpital, le prix des médicaments, les bas salaires", explique Orlando, 55 ans, qui a manifesté lundi.

ats, afp

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