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Trois ans requis contre un Français jugé pour viols en Suède

Elisabeth Massi Fritz, avocate de l'une des victimes supposées et ténor du barreau suédois spécialisée dans la défense des femmes, s'exprime devant les médias. © KEYSTONE/EPA TT NEWS AGENCY/JANERIK HENRIKSSON
Elisabeth Massi Fritz, avocate de l'une des victimes supposées et ténor du barreau suédois spécialisée dans la défense des femmes, s'exprime devant les médias. © KEYSTONE/EPA TT NEWS AGENCY/JANERIK HENRIKSSON


Publié le 24.09.2018


Le parquet suédois a requis lundi un minimum de trois ans de prison à l'encontre de Jean-Claude Arnault. Ce Français âgé de 72 ans est jugé pour deux viols présumés commis en 2011, à l'occasion de l'un des premiers grands procès depuis l'émergence du mouvement #MeToo.

Le scandale a éclaté en novembre 2017, un mois après les révélations sur les viols et les autres agressions sexuelles imputés au producteur de cinéma américain Harvey Weinstein.

Les témoignages de 18 femmes publiés alors dans le quotidien Dagens Nyheter, accusant le Français de viol ou d'agression sexuelle, ont fait imploser l'Académie suédoise qui décerne depuis 1901 le prix Nobel de littérature.

M. Arnault, marié à une académicienne, entretenait des liens étroits avec cette institution. Décrédibilisée, privée du quorum nécessaire pour fonctionner, l'Académie suédoise a reporté d'un an l'annonce du Nobel 2018, une première depuis 70 ans.

Plusieurs plaintes visant le Français ont été classées faute de preuves ou frappées par la prescription, mais le parquet a estimé disposer de suffisamment d'éléments à charge dans un dossier remontant à 2011.

Le 5 octobre de cette année-là, dans un appartement stockholmois, Jean-Claude Arnault contraint à des relations sexuelles la victime qui se trouve dans un état "de peur intense", selon l'acte de mise en accusation consulté par l'AFP.

Les faits se seraient répétés dans la nuit du 2 au 3 décembre, dans le même appartement, tandis que la victime dormait.

Jean-Claude Arnault a clamé son innocence tout au long de ce procès tenu à huis clos, sans être suivi par les juges.

Probable condamnation

A la demande de la procureure Christina Voigt qui dit craindre une fuite à l'étranger, Jean-Claude Arnault a été placé en détention provisoire en attendant le verdict, mis en délibéré au 1er octobre.

Le tribunal a prononcé son incarcération en invoquant les accusations "graves" pesant contre lui dans le premier des deux viols pour lesquels il comparaissait.

Une disposition a priori purement technique du code de procédure pénal suédois mais qui, tant aux yeux de la partie civile que de la défense, ouvre la voie à sa condamnation.

L'accusé a été aussitôt pris en charge par deux policiers en civil et emmené en maison d'arrêt.

"Il est très choqué", a réagi son conseil, Björn Hurtig, estimant qu'il offrait toutes les garanties de représentation. "Si, comme cela semble aujourd'hui probable, il est condamné, nous ferons appel", a-t-il ajouté.

L'avocate de la partie civile s'est au contraire félicitée de la décision du tribunal. "Elle est soulagée que la société et la justice croient à ses déclarations", a indiqué Elisabeth Massi Fritz.

Jean-Claude Arnault était le directeur artistique de Forum, un club très sélect qu'il avait créé en 1989 et où se côtoyaient éditeurs, écrivains, dramaturges ou musiciens en vue, mais également de nombreuses jeunes femmes.

Il recevait de généreux subsides de l'Académie suédoise et ses accusatrices affirment que l'académie connaissait son comportement mais que l'influente institution faisait régner une "culture du silence" dans les cercles culturels de la capitale.

A la suite de ces révélations, plusieurs académiciens se sont mis en retrait, une enquête interne a mis au jour les conflits d'intérêts et les faits d'agression ou de harcèlement subies par des académiciennes ou leur entourage.

Selon une enquête du quotidien Svenska Dagbladet, Jean-Claude Arnault est né en 1946 à Marseille de parents réfugiés russes. Il serait arrivé en Suède à la fin des années 1960 pour étudier la photographie.

Dans un entretien avec Dagens Nyheter en 2006, il affirmait être monté sur les barricades parisiennes en mai 1968. "L'étincelle a été l'interdiction faite aux étudiants de partager les chambres des étudiantes", se souvenait-il.

Il se vantait d'être le "19e membre" de l'Académie. Selon des témoins, il soufflait le nom des futurs lauréats du Nobel à ses amis.

ats, afp

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