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Un chercheur genevois propose un nouveau langage mathématique

Avec ses travaux sur la cryptographie et la téléportation quantiques, le Genevois Nicolas Gisin a déjà plus d'une fois repoussé les frontières de la physique. © UNIGE/Nicolas Gisin
Avec ses travaux sur la cryptographie et la téléportation quantiques, le Genevois Nicolas Gisin a déjà plus d'une fois repoussé les frontières de la physique. © UNIGE/Nicolas Gisin


Publié le 07.01.2020


Connu pour ses travaux en cryptographie quantique, le Genevois Nicolas Gisin propose de changer le langage mathématique utilisé par la physique classique. Cela permettrait à l’aléatoire et à l’indéterminisme d’y entrer, la rapprochant ainsi de la physique quantique.

En physique classique, soit la physique de Newton, il est admis que depuis le Big Bang, tout est déjà déterminé. Les équations mathématiques servent à expliquer l’évolution du monde qui découle de ces conditions initiales de la manière la plus précise possible.

Pour ce faire, les physiciens utilisent le langage des mathématiques classiques, en utilisant notamment les nombres réels, a indiqué mardi l'Université de Genève (UNIGE) dans un communiqué.

Dans un commentaire publié par la revue Nature Physics, Nicolas Gisin, professeur honoraire au Département de physique appliquée de l’UNIGE, propose de changer de langage mathématique, afin de ne plus devoir recourir aux nombres réels.

Un autre langage

"Il existe un autre langage mathématique, nommé intuitionniste, qui refuse l’existence de l’infini", s’enthousiasme le physicien genevois, cité dans le communiqué. "Mais celui-ci a été complètement écrasé par le langage mathématique classique au début du XXe siècle".

A la place des nombres réels qui contiennent à l’instant T un nombre infini de décimales, les mathématiques intuitionnistes représentent ces nombres comme un processus aléatoire qui se déroule au cours du temps, une décimale après l’autre, de sorte qu’à chaque instant T, il n’existe qu’un nombre fini de décimales, et donc une quantité finie d’informations.

"Cela résout la contradiction de la physique classique, qui utilise de l’infini pour expliquer le fini", ajoute le spécialiste. Autre différence entre les deux langages mathématiques: la véracité des propositions.

Part d'aléatoire

"En mathématique classique, une proposition est toujours soit vraie, soit fausse, selon le principe du tiers-exclu. Mais dans les mathématiques intuitionnistes, une proposition est soit vraie, soit fausse, soit indéterminée. Il y a donc une part acceptée d’aléatoire", continue Nicolas Gisin.

Cet aléatoire se rapproche beaucoup plus de notre expérience quotidienne que le déterminisme prôné par la physique classique. De plus, on retrouve également l’aléatoire en physique quantique.

"Certains tentent de l’éviter par tous les moyens en impliquant d’autres variables fondées sur les nombres réels. Mais selon moi, il ne faut pas chercher à rapprocher la physique quantique de la physique classique en tentant de supprimer l’aléatoire. Au contraire, il faut rapprocher la physique classique de la physique quantique en y intégrant enfin de l’indéterminisme", soutient le physicien genevois.

Trop de déterminisme

"Je considère à présent que l’on a accepté trop de postulats en physique classique et qu’on y a, de ce fait, intégré du déterminisme qui n’avait pas forcément lieu d’être", explique Nicolas Gisin.

"Au contraire, si l’on choisit de fonder la physique classique sur les mathématiques intuitionnistes, elle deviendra également indéterminée, comme la physique quantique, et se rapprochera de notre vécu, ouvrant les possibilités de notre futur", conclut le chercheur. Cela ne changerait aucunement les résultats de recherches menés jusqu’à aujourd’hui, selon lui.

ats

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