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Un jury reconnaît une erreur d'identité sur le "boss" des passeurs

La justice italienne reconnaît une erreur judiciaire dans une affaire de trafic de migrants (archives). © KEYSTONE/EPA SEA-EYE/FABIAN HEINZ / SEA-EYE HANDOUT
La justice italienne reconnaît une erreur judiciaire dans une affaire de trafic de migrants (archives). © KEYSTONE/EPA SEA-EYE/FABIAN HEINZ / SEA-EYE HANDOUT


Publié le 13.07.2019


La cour d'assise de Palerme a reconnu vendredi une erreur d'identité dans l'affaire d'un Erythréen accusé d'avoir dirigé un vaste réseau de trafiquants de migrants. C'est un nouveau coup dur pour les enquêteurs qui peinent à frapper ces réseaux à la tête.

La cour a ordonné la libération immédiate de l'homme jugé, tout en assortissant sa décision d'une condamnation pour aide à l'immigration clandestine, une peine couverte par sa détention préventive.

Mais le jeune homme a en fait été conduit dans la soirée vers le centre de rétention de Caltanissetta, dans le centre de la Sicile, en vue d'une éventuelle expulsion, a annoncé à l'AFP son avocat, Me Michele Calantropo, qui a déposé une demande d'asile en son nom maintenant que son identité est établie.

En juin 2016, les autorités italiennes avaient fièrement annoncé l'arrestation au Soudan et l'extradition en Italie de Medhanie Yehdego Mered. Cette arrestation était censée concluredes années d'enquête sur ces réseaux qui ont envoyé des centaines de milliers de migrants en Europe, et des milliers à la mort.

Erreur sur la personne

Premier chef de réseau jugé en Italie, Mered était soupçonné en particulier d'avoir affrété le bateau dont le naufrage avait fait plus de 366 morts le 3 octobre 2013 devant l'île de Lampedusa. Mais, très vite, les témoignages ont afflué pour dire que l'homme arrêté n'était pas Mered mais Medhanie Tesfamariam Berhe, un réfugié érythréen échoué à Khartoum sans lien avec l'homme recherché.

Plusieurs enquêtes menées par des journalistes italien, américain et suédois ont établi que Behre avait été repéré au printemps 2016 par les enquêteurs parce qu'il avait flirté avec la femme de Mered sur Facebook et appelé un passeur en Libye pour avoir des nouvelles d'un cousin parti pour l'Europe.

A cette époque, les enquêteurs avaient perdu la trace de Mered, arrêté fin 2015 à Dubaï pour détention de faux passeport. Libéré huit mois plus tard, il vit désormais en Ouganda, selon ces journalistes.

Impuissance

Outre de multiples témoignages, la défense a fourni des photos de Mered n'ayant aucune ressemblance avec l'accusé ou encore une analyse ADN liant l'homme arrêté à la mère de Behre.

Mais l'accusation a maintenu le cap, assurant en particulier que les conversations enregistrées avec le passeur en Libye n'avaient rien d'innocent. Ce sont ces conversations qui ont valu à Behre sa condamnation. Le 17 juin, le procureur Calogero Ferrara avait requis 14 ans de réclusion et 50'000 euros d'amende contre l'accusé.

Mais ce réquisitoire léger était déjà un aveu d'impuissance: le Tunisien Khaled Bensalem, simple passeur ayant survécu au naufrage de Lampedusa, a pour sa part été condamné à 27 ans de prison, allégés à 18 ans parce qu'il avait accepté une procédure accélérée.

Comme lui, les dizaines de "scafisti" (passeurs des mers) détenus en Libye sont pour l'essentiel des petites mains. Les enquêteurs disposent pourtant d'un vaste arsenal juridique mis en place au cours des dernières décennies dans le cadre de la lutte antimafia : écoutes téléphoniques y compris à l'étranger, témoignages de repentis...

Ils peuvent aussi s'appuyer sur le renseignement recueilli par les agences et polices d'Europe. Les dossiers des enquêteurs italiens contre les réseaux sont donc fournis, mais la plupart des chefs de réseau restent quasi-intouchables dans le chaos libyen.

ats, afp

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