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Un missionnaire en route vers Berne pour défendre les migrants

Biagio Conte, missionnaire, pèlerin et fondateur de communautés d’accueil de sans-abri et de migrants à Palerme, traverse la Suisse à pied. Ici au col du Gothard. © Keystone/Pablo Gianinazzi
Biagio Conte, missionnaire, pèlerin et fondateur de communautés d’accueil de sans-abri et de migrants à Palerme, traverse la Suisse à pied. Ici au col du Gothard. © Keystone/Pablo Gianinazzi
Il se fait appeler “Fratel Biagio” et se dit proche de Saint François d’Assise même s’il n’appartient à aucun ordre religieux : Biagio Conte traverse la Suisse à pied pour appeler à la solidarité envers les migrants. © Keystone/Pablo Gianinazzi
Il se fait appeler “Fratel Biagio” et se dit proche de Saint François d’Assise même s’il n’appartient à aucun ordre religieux : Biagio Conte traverse la Suisse à pied pour appeler à la solidarité envers les migrants. © Keystone/Pablo Gianinazzi
Biagio Conte, missionnaire laïc de Palerme qui a vécu à Baden en Suisse, emprunte le Gothard pour rejoindre Berne, puis Bruxelles. © Keystone/Pablo Gianinazzi
Biagio Conte, missionnaire laïc de Palerme qui a vécu à Baden en Suisse, emprunte le Gothard pour rejoindre Berne, puis Bruxelles. © Keystone/Pablo Gianinazzi


Publié le 07.08.2019


Il se fait appeler “Fratel Biagio” et se dit proche de Saint François d’Assise même s’il n’appartient à aucun ordre religieux : Biagio Conte, missionnaire et pèlerin fondateur de communautés d’accueil de sans-abri et de migrants à Palerme traverse la Suisse à pied.

Nous l’avons rencontré au sommet du col du Gothard alors qu’il se dirigeait vers Berne. Un violent orage vient de balayer la région lorsque nous arrivons au sommet du col. A 2090 mètres, en fin de journée, la température a chuté à neuf degrés. "Fratel Biagio" (Frère Biagio) nous attend dans la salle de l’hospice où une chambre pour la nuit et le repas du soir lui ont été offerts.

Robe de bure, pieds nus dans des sandales de cuir, la tête recouverte d’un capuchon, longue barbe poivre et sel, sourire éclatant dans un visage maigre et bronzé, yeux bleus pénétrants, le missionnaire sicilien est en pleine forme même s’il ne cache pas un peu de fatigue : "la route du col grimpe et la pluie n’a pas facilité la montée", dit-il, "mais demain matin (ndlr : mercredi), je reprendrai la route vers Berne où je demanderai une audience au gouvernement. Je ferai la même chose à Strasbourg et à Bruxelles au Parlement européen pour défendre la cause des sans-abri et des migrants."

Le long pèlerinage du missionnaire a commencé au début du mois de juillet à Gênes : "j’ai décidé de repartir", raconte-t-il, "en signe de protestation contre la politique de fermeture du gouvernement italien envers les migrants et en particulier contre la mesure d’expulsion qui a frappé un membre de ma communauté, un ressortissant du Ghana en Italie depuis dix ans où il a toujours travaillé honnêtement."

Repartir car depuis quatre ans désormais la vie du missionnaire est une vie d’errance: "j’ai fait des milliers de kilomètres à pied pour apporter mon message d’amour et de paix et défendre la cause des pauvres, des étrangers, des marginaux", raconte Biagio avec ferveur. "J’ai d’abord traversé les 20 régions d’Italie avant de parcourir les routes de France, d’Espagne, de Portugal et du Maroc."

Athée avant l’"appel de Dieu"

Bien connu en Italie où il a été reçu par le Pape, Biagio Conte a été nommé premier citoyen du Parlement européen. Son histoire est surprenante. Né le 16 septembre 1963 à Palerme, il a trois ans lorsqu’il émigre avec ses parents à Baden (AG) où il vit jusqu’à l’âge de neuf ans: "j’ai vécu ces six années en Suisse dans un collège de sœurs catholiques. Lorsque nous sommes rentrés à Palerme, j’ai poursuivi ma scolarité dans un institut religieux, ma mère étant une fervente croyante."

Paradoxalement cette éducation catholique a éloigné le jeune Biagio de la foi: "j’étais devenu athée", dit-il, "j’étudiais la philosophie et les sciences et je menais la belle vie d’un fils à papa." Vers la fin des années 80, il a commencé à prendre conscience de la pauvreté qui régnait dans les quartiers périphériques de sa ville. En 1990, il abandonne tout pour devenir ermite dans les montagnes qui entourent Palerme."

"Saint Nicolas de la Flüe, un exemple"

Il entend "l’appel de Dieu" en 1991. Fratel Biagio entreprend dès lors son premier voyage à pied jusqu’à Assise pour se rendre sur la tombe de Saint-François dont il adopte le style de vie voué à la pauvreté et à la chasteté.

Sa famille qui n’avait plus aucune nouvelle de lui depuis plus d’un an lance un avis de recherche dans une célèbre émission de la télévision italienne consacrée aux disparitions et son nom fait la une des médias de la Péninsule. De retour à Palerme pour revoir sa famille, Biagio Conte renonce à son premier désir de devenir missionnaire en Afrique.

Il fonde, dans sa ville, les communautés d’accueil "Missione di speranza e carità" (Mission d’espoir et de charité) d’abord destinées aux sans-abris indigènes, puis dès 2000 aux migrants africains qui débarquent en masse sur les côtes siciliennes.

Fratel Biagio parcourt entre 20 et 25 kilomètres par jour, sans téléphone, sans montre et sans aucun argent. Il compte sur la charité des paroisses ou des privés pour un toit et une assiette de soupe ou un morceau de pain et de fromage qui composent son unique repas de la journée:

"Il arrive que je dorme à la belle étoile ou que je me passe de manger", avoue-t-il en souriant, "mais peu importe, ma mission principale est de rendre l’espoir à qui en a besoin, de sensibiliser l’opinion publique et les gouvernements des pays que je traverse."

En Suisse, Biagio Conte fera un détour par l’hermitage de Saint Nicolas de la Flüe dont il a récemment découvert l’existence: "Un saint merveilleux qui vivait il y a 600 ans comme je m’efforce de vivre et qui est un véritable exemple pour moi". A Berne, "Fratel Biagio" espère bien rencontrer le Conseil fédéral: "si je suis reçu, je demanderai plus de souplesse et de solidarité pour les droits humains. La même requête que je ferai ensuite à Strasbourg et à Bruxelles."

ats

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