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Un premier ministre nommé par le président tunisien Saied

Le président tunisien Kais Saied s'est emparé des pouvoirs législatif et judiciaire lors de son coup de force (archives). © KEYSTONE/AP/Hedi Azouz
Le président tunisien Kais Saied s'est emparé des pouvoirs législatif et judiciaire lors de son coup de force (archives). © KEYSTONE/AP/Hedi Azouz


Publié le 29.07.2021


Le président tunisien Kais Saied a nommé jeudi un conseiller de sécurité en charge du ministère de l'intérieur. Il s'agit de la première nomination quatre jours après qu'il s'est emparé de l'ensemble du pouvoir exécutif et qu'il a suspendu l'activité du Parlement.

"Le président de la République a pris un décret présidentiel chargeant Ridha Gharsallaoui de gérer le ministère de l'intérieur", a indiqué la présidence jeudi soir. M. Gharsalloui, qui a prêté serment, est un commissaire de police devenu conseiller à la sécurité nationale auprès du président, selon des médias locaux.

Cette nomination intervient après que plusieurs organisations de la société civile, ainsi que des pays étrangers, ont appelé M. Saied à désigner sans tarder un nouveau gouvernement, comme il s'était engagé à le faire.

M. Saied a argué des "périls imminents" auxquels était confrontée la Tunisie, plongée depuis des mois dans une profonde crise politique, et frappé de plein fouet par un pic meurtrier de coronavirus, pour justifier sa prise de pouvoir dimanche.

Il a limogé le premier ministre Hichem Mechichi, très critiqué pour sa gestion de l'épidémie de Covid-19 qui a laissé la Tunisie à court d'oxygène et débordée par un pic d'hospitalisations. Il a indiqué qu'il exercerait le pouvoir exécutif avec "l'aide d'un gouvernement" dont il doit encore nommer le chef.

Campagne anti-corruption

M. Saied a également annoncé mercredi soir la mise en place d'une cellule de crise pour gérer la pandémie de Covid-19, supervisée par un haut gradé militaire. Plusieurs organisations de la société civile avaient réclamé mercredi une feuille de route et mis en garde contre toute prolongation "illégitime" de la suspension du Parlement au-delà des 30 jours prévus par la constitution.

Mercredi soir, M. Saied avait également lancé une offensive anti-corruption. Il a réclamé des comptes à des hommes d'affaires accusés de détournement de fonds sous le régime du dictateur Zine El Abidine Ben Ali (au pouvoir de 1987 à 2011).

Ils sont "460" à devoir "13,5 milliards" de dinars (4,43 milliards de francs) à l'Etat, a-t-il rappelé, en citant un ancien rapport d'une commission d'enquête sur la corruption et les malversations sous l'ancien régime.

"Cet argent doit revenir au peuple tunisien", a martelé le président. Pour cela, il compte proposer à ces hommes d'affaires un abandon des poursuites, en échange d'un versement des sommes détournées au profit des régions marginalisées de Tunisie.

Enquête contre des partis politiques

Il a indiqué vouloir s'en prendre à la corruption qui participe à l'effondrement de la production de phosphate, l'une des rares ressources naturelles du pays.

Le parquet, placé sous l'autorité de M. Saied dans le cadre des nouvelles mesures d'urgence, a également annoncé mardi l'ouverture le 14 juillet d'une enquête contre plusieurs partis soupçonnés de financement étranger de leur campagne électorale en 2019. Cette enquête vise notamment la formation d'inspiration islamiste Ennahdha, principal parti parlementaire, en conflit avec le président.

Le président jouit pour l'instant d'une "popularité durable", observe Riccardo Fabiani, spécialiste de la Tunisie pour l'International Crisis Group. Sa prise de pouvoir a été saluée par de nombreux Tunisiens exaspérés par les blocages institutionnels, l'économie en crise et la mauvaise gestion de la pandémie.

Dans ce contexte, "en soutenant une campagne anti-corruption contre les responsables et les hommes d'affaires liés à Ennahdha [...] il pourrait affaiblir définitivement certains de ses rivaux politiques les plus puissants", et ainsi réussir "à établir un nouveau statu quo" en Tunisie, estime l'analyste.

Le coup de force présidentiel suscite toutefois de l'inquiétude, dans le pays comme à l'étranger.

Le secrétaire d'Etat américain, Antony Blinken, a affirmé jeudi que le président Saied lui avait assuré oeuvrer en faveur de la démocratie. "Nous espérons fortement que la Tunisie revienne sur cette voie démocratique, agisse conformément à la constitution, rétablisse le Parlement, se dote d'un gouvernement pour mener à bien le travail du peuple, pour répondre à leurs besoins", a-t-il souligné.

ats, afp

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