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Un puissant général iranien tué par les Etats-Unis en Irak

L'aéroport international de Bagdad se touve à l'ouest de la ville © Google Maps
L'aéroport international de Bagdad se touve à l'ouest de la ville © Google Maps
Au moins neuf personnes ont été tuées dans la nuit de jeudi à vendredi lors du bombardement d'un convoi du Hachd al-Chaabi, coalition de paramilitaires irakiens pro-iraniens, à l'aéroport de Bagdad. © KEYSTONE/AP/NN
Au moins neuf personnes ont été tuées dans la nuit de jeudi à vendredi lors du bombardement d'un convoi du Hachd al-Chaabi, coalition de paramilitaires irakiens pro-iraniens, à l'aéroport de Bagdad. © KEYSTONE/AP/NN
Le puissant général iranien Qassem Soleimani, en charge des affaires irakiennes au sein de l'armée idéologique d'Iran, a été tué dans le bombardement de l'aéroport de Bagdad (archives). © Keystone/AP/Ebrahim Noroozi
Le puissant général iranien Qassem Soleimani, en charge des affaires irakiennes au sein de l'armée idéologique d'Iran, a été tué dans le bombardement de l'aéroport de Bagdad (archives). © Keystone/AP/Ebrahim Noroozi


Publié le 03.01.2020


L'émissaire de Téhéran pour les affaires irakiennes, le puissant général Qassem Soleimani, et un autre leader pro-iranien en Irak ont été tués tôt vendredi dans un raid américain à Bagdad. Et ce trois jours après une attaque inédite contre l'ambassade américaine.

Aussitôt après la mort du général iranien Soleimani, en charge des affaires irakiennes au sein de l'armée idéologique de la République islamique, et d'Abou Mehdi al-Mouhandis, numéro deux du Hachd al-Chaabi, coalition de paramilitaires majoritairement pro-Iran désormais intégrés à l'Etat irakien, le Pentagone a annoncé que le président américain Donald Trump avait donné l'ordre de "tuer" Soleimani. Et ce "pour protéger le personnel américain à l'étranger".

Les Gardiens de la révolution iraniens ont eux confirmé "que le glorieux commandeur de l'Islam, Haj Qassem Soleimani, au terme d'une vie de servitude, est mort en martyr dans une attaque de l'Amérique contre l'aéroport de Bagdad ce matin", ont-ils indiqué dans une déclaration lue à la télévision d'Etat iranienne.

De son côté, le président américain a tweeté l'image d'un drapeau américain, sans le moindre commentaire, peu après l'annonce de la mort du général iranien.

Système noyauté

Pour Phillip Smyth, spécialiste américain des groupes chiites armés, "c'est la plus importante opération de décapitation jamais menée par les Etats-Unis, plus que celles ayant tué Abou Bakr al-Baghdadi ou Oussama Ben Laden", chefs des nébuleuses ultraradicales Etat islamique et Al Qaïda.

Depuis des années, Bagdad est pris en étau entre ses deux grands alliés américain et iranien. En 2003, en renversant le régime de Saddam Hussein, les Etats-Unis prenaient la haute main sur les affaires irakiennes.

Mais le système qu'ils ont mis en place est désormais noyauté par Téhéran et les pro-Iran. Ceux-ci ont assemblé un arsenal inégalé grâce à l'Iran mais aussi au fil des années de combats, aux côtés des Américains notamment, contre l'EI. Ils sont même parvenus à attaquer mardi l'ambassade américaine à Bagdad.

Le pétrole bondit

Vendredi, Washington a répondu à cette incursion dans l'immense complexe et à une série d'attaques à la roquette contre ses diplomates et ses soldats qui dure depuis des semaines. Des attaques attribuées par Washington aux pro-Iran en Irak mais jamais revendiquées.

Le raid américain qui a visé un convoi de véhicules dans l'enceinte de l'aéroport de Bagdad a tué en tout au moins neuf personnes, selon des responsables des services de sécurité irakiens.

La nouvelle a déjà fait bondir de plus de 4% les cours du pétrole. L'or noir iranien est déjà sous le coup de sanctions américaines et la montée en puissance de l'influence de Téhéran en Irak, deuxième producteur de l'Opep, fait redouter aux experts un isolement diplomatique et des sanctions politiques et économiques.

Sous sanctions américaines

L'autre grande figure tuée est Abou Mehdi al-Mouhandis, véritable chef opérationnel du Hachd et lieutenant du général Soleimani pour l'Irak depuis des décennies. Les deux hommes étaient sous sanctions américaines et le Hachd est aujourd'hui au coeur de toutes les attentions en Irak.

S'il a combattu à partir de 2014 aux côtés des troupes irakiennes et de la coalition internationale antidjihadistes emmenée par les Etats-Unis, ses factions les plus pro-iraniennes -pour certaines nées dans la lutte contre l'occupation américaine de 2003 à 2011- sont désormais considérées par les Américains comme une menace plus importante que le groupe EI.

Mardi, ce sont ses combattants et ses partisans qui se sont livrés par milliers à une démonstration de force inédite en Irak. Ils ont déferlé dans la Zone verte de Bagdad où se trouve l'ambassade américaine, ont attaqué la chancellerie à coup de béliers de fortune et ont tracé des graffitis sans équivoque sur les murs. "Non à l'Amérique", disait l'un, "Soleimani est mon chef", affirmait un autre. Cet épisode de violence inédit semblait terminé mercredi avec le retrait des pro-Iran de la Zone verte, sur ordre du Hachd.

Escalade de tensions

Mais les morts de vendredi donnent de plus en plus de consistance à la menace qui pèse depuis des mois sur l'Irak: que son sol se transforme en un champ de bataille par procuration pour l'Iran et les Etats-Unis.

Une dizaine d'attaques à la roquette ont visé depuis fin octobre des soldats et des diplomates américains, tuant il y a une semaine un sous-traitant américain. Dimanche soir, Washington a répondu en bombardant des bases de l'une d'elles près de la frontière syrienne, faisant 25 morts. Mardi, c'est le cortège funéraire de ces combattants qui a forcé l'entrée de l'enceinte de l'ambassade américaine à Bagdad.

Aussitôt, le président américain Donald Trump avait menacé de faire payer le "prix fort" à l'Iran, accusé d'avoir "orchestré" l'attaque de sa chancellerie. Son secrétaire d'Etat Mike Pompeo avait annoncé reporter une tournée à l'étranger pour "suivre la situation" en Irak.

Téhéran a de son côté convoqué le représentant de la Suisse chargée des intérêts américains en Iran pour dénoncer le "bellicisme" de Washington. Son Guide suprême Ali Khamenei avait lancé à M. Trump: "vous ne pouvez rien faire".

ats, afp

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