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Une éruption volcanique aurait converti l'Islande au christianisme

L’éruption de l’Eldgjá s’est produite de 939 à 940, à partir d’une fissure de huit kilomètres de long située au sud de l’Islande. © Clive Oppenheimer/Université de Cambridge
L’éruption de l’Eldgjá s’est produite de 939 à 940, à partir d’une fissure de huit kilomètres de long située au sud de l’Islande. © Clive Oppenheimer/Université de Cambridge


Publié le 22.03.2018


Une équipe interdisciplinaire avec participation genevoise a daté avec précision une énorme éruption volcanique survenue en Islande en 939 de notre ère, soit peu après le peuplement de l’île. Le phénomène aurait été utilisé pour convertir l’île au christianisme.

L’éruption de l’Eldgjá, à partir d’une fissure de 8 km de long située au sud de l’Islande, s’est produite sous la forme d’énormes coulées de lave recouvrant le paysage, accompagnées d’un nuage de gaz sulfureux, a indiqué jeudi l'Université de Genève (UNIGE) dans un communiqué.

Ce type d’éruption est analogue à celle observée en 2015 qui a affecté la qualité de l’air jusqu’en Irlande, à 1400 kilomètres de distance. Les coulées de lave de l’Eldgjá ont recouvert le sud de l’Islande moins d’un siècle après la colonisation de l’île par les Vikings et les Celtes, en l’an 874.

Ce fut un événement colossal qui vit se déverser près de 20 kilomètres cubes de lave, assez pour recouvrir toute la superficie de l’Angleterre. Pourtant, la date précise de l’éruption restait jusqu’ici inconnue.

En analysant les cendres projetées par l’Eldgjá contenues dans les carottes de glace prélevées au Groenland, les chercheurs ont pu dater l’éruption qui a commencé au printemps 939 et s’est poursuivie au moins jusqu’à l’automne 940.

"Cet événement est donc contemporain des deuxième ou troisième générations de colons islandais", souligne Clive Oppenheimer, du Département de géographie de l’Université de Cambridge et premier auteur de l’article. "Il est même possible que certains des premiers migrants, arrivés enfants en Islande, aient été témoins de l’éruption", dit-il, cité dans le communiqué de l'UNIGE.

Un soleil faible et rougeoyant

Après avoir déterminé la date de l’éruption, les chercheurs se sont penchés sur ses impacts humains et environnementaux, dont ils ont retrouvé de très nombreuses traces.

Des chroniques rédigées en Irlande, en Allemagne et en Italie font ainsi état d’un soleil faible et rougeoyant, tandis que les sources contemporaines signalent des hivers exceptionnellement sévères et des étés froids en Europe, au Moyen-Orient et en Chine, accompagnés de pénuries alimentaires voire de famines.

L’analyse des cernes de croissance des arbres de l’hémisphère Nord montrent ainsi que l’éruption de l’Eldgjá pourrait être à l’origine de l’une des années les plus froides des 1500 dernières années.

"En 940, les aérosols émis dans l’atmosphère par Eldgjá ont induit un refroidissement prononcé en Europe centrale, en Scandinavie, dans les Rocheuses canadiennes, en Alaska et en Asie centrale, atteignant -2°C. Le refroidissement de l’hémisphère nord n’a duré qu’un seul été, ce qui contraste avec les refroidissements étalés sur deux à cinq ans, associés aux grandes éruptions de volcans tropicaux", explique Markus Stoffel, professeur à l’Institut des sciences de l’environnement de l’UNIGE.

La fin des dieux païens

"Les effets de l’éruption de l’Eldgjá ont vraisemblablement été dévastateurs pour la jeune colonie; les terres ont probablement été abandonnées et la famine sévère", souligne pour sa part Andy Orchard, de la Faculté d’anglais de l’Université d’Oxford.

Bien qu’il n’existe aucun texte islandais contemporain susceptible de fournir une description de l’éruption, le poème médiéval le plus populaire d’Islande, Voluspá ("La prophétie de la voyante") semble en donner un aperçu.

Ecrit vers 1270 mais issu de l’agrégation de fragments de poésie et de folklore bien antérieurs, ce poème prédit la fin des dieux païens d’Islande et l’arrivée d’un nouveau dieu unique, autrement dit, la conversion de l’Islande au christianisme qui s’est produite autour de l’an Mil.

Il décrit une terrible éruption accompagnée d’explosions illuminant le ciel, un soleil obscurci par d’épais nuages de cendres et de vapeur ainsi qu’une série d’étés froids consécutifs à cet évènement.

Les chercheurs voient dans ce poème une référence directe à l’éruption d’Eldgjá, la plus importante qu’ait connu l’Islande depuis son peuplement. Ils avancent même que le souvenir traumatisant de cet événement a été délibérément utilisé pour stimuler la christianisation de l’île et accompagner les changements religieux et culturels qui s’y sont déroulés pendant les dernières décennies du dixième siècle.

Ces travaux sont publiés dans la revue Climatic Change.

ats

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