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Une goutte de sang pour diagnostiquer le traumatisme cérébral

Une goutte de sang suffit à TBIcheck pour diagnostiquer un éventuel traumatisme cérébral léger. © UNIGE/Jean-Charles Sanchez
Une goutte de sang suffit à TBIcheck pour diagnostiquer un éventuel traumatisme cérébral léger. © UNIGE/Jean-Charles Sanchez


Publié le 30.07.2018


Des chercheurs genevois et espagnols ont développé un boîtier portable capable de diagnostiquer en dix minutes un traumatisme cérébral léger, à l’aide d’une seule goutte de sang. Une découverte susceptible de désengorger les urgences et d'épargner des examens coûteux.

Chuter à skis, tomber dans les escaliers ou prendre un coup sur la tête peut entraîner des symptômes tels qu'une vision floutée, des vomissements, une perte de conscience ou de mémoire pendant une trentaine de minutes. Chaque année en Europe, trois millions de personnes sont admises à l’hôpital à cause d’une suspicion de traumatisme cérébral léger.

Pourtant, 90% de ces patients pourront rentrer chez eux sans risque, aucune atteinte au cerveau n'ayant été constatée, a indiqué lundi l'Université de Genève (UNIGE) dans un communiqué. Actuellement, le seul diagnostic fiable est le CT Scan, un examen disponible uniquement dans certains hôpitaux et qui, en plus d’être coûteux, expose les patients à des irradiations.

Trouver des biomarqueurs

"Nous nous sommes demandé s’il était possible d’isoler certaines protéines dont la présence dans le sang augmente en cas de traumatisme cérébral léger", explique Jean-Charles Sanchez, professeur au Département de médecine interne des spécialités et du Centre des biomarqueurs de l’UNIGE, cité dans le communiqué.

"Notre idée était de trouver le moyen de faire un examen rapide qui permettrait, lors d’un match de boxe ou de football américain par exemple, de dire si le sportif peut retourner sur le terrain ou si son état nécessite une hospitalisation. Tout le contraire du CT Scan, un examen qui dure longtemps et qui ne peut pas se faire n’importe où", complète-t-il.

Lors d’un choc à la tête, certaines cellules cérébrales sont abîmées et relâchent certaines protéines, faisant augmenter leur taux dans le sang. Les scientifiques de l’UNIGE, avec des confrères des hôpitaux de Barcelone, Madrid et Séville, ont eu l'idée de comparer le sang de patients diagnostiqués négatifs avec celui de sujets ayant effectivement subi un traumatisme cérébral léger.

Quatre molécules

Grâce à des analyses qui permettent de quantifier des milliers de protéines simultanément et d’observer les variations de leur taux dans le sang, ils ont progressivement isolé quatre molécules: H-FABP, Interleukine-10, S100B et GFAP.

"Nous avons remarqué que le taux de H-FABP à lui seul permet d’affirmer qu’il n’y a aucun risque de trauma chez un tiers des patients admis après un choc", s’enthousiasme le Pr Sanchez. Le restant ira passer un CT Scan afin de confirmer le diagnostic.

Il fallait encore mettre au point un appareil permettant de faire l’examen partout, rapidement et simplement, et que l’on puisse se procurer en pharmacie ou dans les salles de sport. "Lorsqu’une personne a un accident en montagne, rares sont les cabinets pouvant faire un CT Scan", relève le chercheur genevois.

Commercialisation pour 2019

Son équipe a donc mis au point un instrument de diagnostic rapide nommé TBIcheck, inspiré par le test de grossesse: en posant une seule goutte de sang sur la languette d’un petit boitier en plastique de cinq centimètres, le patient sait en dix minutes s’il y a un risque de traumatisme léger, à savoir si son taux de H-FABP est supérieur ou non à 2,5 nanogrammes par millilitre de sang.

Ces résultats ont été brevetés par l’UNIGE et récompensés par le Prix de l’Innovation Academy en décembre 2017. L'objet sera commercialisé dès 2019 par ABCDx, une start-up fondée il y a quatre ans par Jean-Charles Sanchez de l’UNIGE et Joan Montaner de l’hôpital de Vall d’Hebron à Barcelone, co-auteur de cette étude.

"Nos recherches montrent que les résultats sont encore plus précis lorsque nous combinons les taux de H-FABP et de GFAP", poursuit Jean-Charles Sanchez. "Nous sommes en train de préparer un TBIcheck encore plus performant, qui permettra de renvoyer à la maison 50% des patients, mais qui demande une augmentation de la sensibilité de la languette qui reçoit le sang".

Cette découverte, décrite dans la revue PLOS One, pourrait donc permettre de désengorger les urgences, libérer les patients d’attentes souvent longues, mais aussi de faire des économies. A terme, l’objectif est de mettre sur le marché des biomarqueurs capables de diagnostiquer des traumatismes cérébraux, mais aussi des AVC et des anévrismes.

ats

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