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Une sénatrice FARC appelle la Suisse à faire pression sur Bogota

La sénatrice colombienne et membre de l'ex-guérilla des FARC Victoria Sandino accuse son gouvernement de ne pas honorer l'accord de paix obtenu après le conflit armé dans son pays. © KEYSTONE/SALVATORE DI NOLFI
La sénatrice colombienne et membre de l'ex-guérilla des FARC Victoria Sandino accuse son gouvernement de ne pas honorer l'accord de paix obtenu après le conflit armé dans son pays. © KEYSTONE/SALVATORE DI NOLFI


Publié le 19.09.2018


L'une des 10 élus de la FARC, parti de l'ex-guérilla colombienne, est à Genève pour obtenir une pression internationale sur son gouvernement. Victoria Sandino veut que la Suisse incite Bogota à "se conformer" à l'accord de paix.

Avec la situation actuelle, il faudra "probablement" des "décennies" et non 15 ans, comme prévu, pour appliquer l'accord obtenu après plus de 50 ans de conflit, dit dans un entretien accordé mercredi à Keystone-ATS la sénatrice de la Force alternative révolutionnaire commune (FARC). "Il y a un manque de conformité de la part du gouvernement", dit-elle en ajoutant que l'ex-guérilla ne reprendra jamais les armes.

Parmi ses rencontres à Genève, celle qui a fait partie de la délégation rebelle aux négociations de paix doit discuter jeudi avec une représentante de la mission suisse. La Suisse a "accompagné le processus" depuis longtemps et "peut tenter de faire pression sur le gouvernement colombien pour qu'il se conforme à ce qui a été décidé", dit-elle.

La sénatrice, en poste depuis juillet, attend aussi une action de la Haut commissaire aux droits de l'homme Michelle Bachelet qui "connaît bien" et "peut aider" la Colombie.

"Improvisation" visée

Si elle met en cause le gouvernement de l'ancien président et Prix Nobel de la Paix Juan Manuel Santos, Mme Sandino estime que la situation "s'est détériorée" avec son successeur qu'elle accuse d'"improvisation". Aussi bien dans l'application de l'accord que dans la rupture des négociations récentes avec la guérilla de l'Armée de libération nationale (ELN) qui a rejeté l'ultimatum du chef de l'Etat pour la libération de tous les otages retenus.

Entré en fonctions il y a un mois et demi, Ivan Duque a promis de modifier l'accord pour le rendre moins indulgent envers les ex-chefs de la guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (ex-FARC). Les mécanismes prévus pour garantir l'application de celui-ci n'ont pas été "réactivés" par le nouveau chef de l'Etat, déplore la sénatrice.

Plus de 343 personnes ont été tuées depuis la signature de l'accord. Les assassinats ont augmenté depuis l'arrivée d'Ivan Duque, selon la sénatrice. Elle accuse le gouvernement de ne pas avoir amélioré la situation politique, économique ou encore sociale des ex-rebelles, notamment les femmes qu'elle a défendues dans les négociations.

Outre cette requête, le parti FARC demande en priorité "la sécurité", y compris juridique, pour les anciens membres de la guérilla et l'application des mesures prévues comme la réforme des régions rurales. Il appelle à la libération de Jesus Santrich, l'un des principaux négociateurs côté rebelle, arrêté en avril et qui pourrait être extradé vers les Etats-Unis pour trafic de drogue.

ONU ciblée

Mme Sandino veut aussi clarifier la situation après l'appel jeudi dernier de la Justice spéciale pour la paix (JEP), chargée de juger les crimes du conflit armé. Il y a deux semaines, la mission de l'ONU pour la réincorporation des ex-rebelles avait alerté sur le fait que six dirigeants FARC avaient abandonné les zones de réinsertion.

La JEP a alors demandé à 31 ex-responsables de la guérilla appelés à comparaître de présenter d'ici dimanche prochain un rapport dans lequel ils réitèrent leur engagement pour la paix. Parmi eux figure le numéro deux Ivan Marquez qui n'a jamais occupé son poste de parlementaire. Après l'arrestation de Jesus Santrich, il s'est senti menacé, dit Mme Sandino. "Nous pensons" qu'il se trouve toujours en Colombie.

"Le fait qu'il ne soit pas dans les zones de réinsertion ne signifie pas qu'il s'est retiré du processus de paix", insiste la sénatrice en réponse à la JEP. Et de réfuter le rapport de la mission de l'ONU et toute violation de l'accord étant donné que celui-ci garantit une liberté de mouvement.

La sénatrice en profite pour dénoncer le Parlement et la Cour constitutionnelle qui ont demandé que la JEP ne se prononce que sur la responsabilité des FARC et non d'autres acteurs. Interrogée encore sur les actions armées par des dissidents des ex-FARC, elle condamne "toute violence".

Mme Sandino admet aussi que la situation "va très vite" pour elle. "Il y a deux ans encore", elle ne pensait pas qu'elle siégerait un jour au Parlement où elle occupe l'un des postes réservés aux ex-guérilleros. Elle va poursuivre son mandat dans cet environnement politique.

ats

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