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UNIGE: la féminisation de la société augmente l'homophobie

La féminisation de la société et de la condition masculine induit chez certains hommes plutôt "traditionnels" de l'homophobie par compensation, selon cette étude (archives). © KEYSTONE/WALTER BIERI
La féminisation de la société et de la condition masculine induit chez certains hommes plutôt "traditionnels" de l'homophobie par compensation, selon cette étude (archives). © KEYSTONE/WALTER BIERI


Publié le 22.01.2019


La féminisation de la société et de la condition masculine augmente l'homophobie, selon une étude de chercheurs genevois. Certains hommes y trouvent le moyen de réaffirmer leur masculinité.

Avant la révolution féministe de la fin des années 1960, les hommes construisaient leur masculinité principalement par opposition aux caractéristiques attribuées aux femmes. Mais depuis que la société tend vers l’égalité des genres, les hommes ne peuvent plus se fonder sur cette norme anti-féminité.

L’équipe de Juan M. Falomir, professeur à la Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation de l’Université de Genève (UNIGE), s’est intéressée au rapport entre le déclin de cette norme et l’homophobie.

"Le stéréotype de l’homosexuel est, entre autres, quelqu’un qui transgresse l’identité de genre en incarnant la féminité chez l’homme", relève Juan M. Falomir, cité mardi dans un communiqué de l'UNIGE. "Nous nous sommes alors demandé si la féminisation de l’homme avait un impact direct sur la diminution ou l’augmentation de l’homophobie".

Dimensions de la masculinité

Afin de tester les conséquences de la disparition de la norme anti-féminité, les psychologues de l’UNIGE ont utilisé un questionnaire incluant une cinquantaine d’items qui mesuraient l’accord avec les principales dimensions de la masculinité.

Il s'agit par exemple de l’évitement de la féminité, la restriction de l’émotivité, l’assurance en soi, l’agressivité, la domination, l’attirance pour les rapports sexuels ou encore l’homophobie. Trois groupes d’hommes hétérosexuels ont ensuite indiqué leur accord ou désaccord avec une cinquantaine d’items renvoyant à ces normes.

"Le premier groupe était un groupe contrôle, c’est-à-dire qu’il devait compléter le questionnaire sans autre information. Au deuxième groupe, nous soulignions la masculinité et l’anti-féminité des hommes dans la société actuelle à travers différentes études, avant de leur faire remplir le questionnaire. A l’inverse, nous disions au troisième groupe que l’homme actuel n’avait jamais été aussi féminin", explique Juan M. Falomir.

Vases communicants

Lors d’une deuxième étude, les chercheurs ont gardé uniquement ces deux derniers groupes et les participants ont répondu à un autre questionnaire mesurant l’attitude envers les homosexuels (leurs droits, leur moralité, les émotions ressenties et leurs comportements) et l’affirmation de leur propre hétérosexualité.

Contre toute attente, les résultats ont globalement montré que l’homophobie et la réaffirmation de l’hétérosexualité étaient bien plus fortes pour le dernier groupe, où l’homme était présenté comme étant de plus en plus féminin, que pour les deux autres groupes.

"Il s’agit d’un système de vases communicants: en diminuant l’importance de la norme d’anti-féminité, un homme compense en renforçant l’importance de la norme de l’hétérosexualité, et trouve en l’homophobie le moyen alternatif d’affirmer sa masculinité", résume Juan M. Falomir.

Chez les hommes "traditionnels"

En poursuivant leur étude, les psychologues genevois ont relevé que l’augmentation de l’homophobie n’est pas directement provoquée par une volonté de réaffirmer l’opposition homme-femme (dichotomie des genres).

En effet, la féminité n’est plus considérée comme étant une caractéristique propre aux femmes, car les hommes deviennent plus sensibles et émotifs. Mais cette acceptation de la féminisation de l’homme semble se faire au détriment des homosexuels, car la masculinité se trouve désormais davantage affirmée par l’hétérosexualité.

Il faut toutefois relever que cette augmentation de l’homophobie se trouve principalement chez les hommes davantage "traditionnels". Au contraire, les hommes dits "modernes" réagissent mieux à la féminisation de l’homme et ont une meilleure perception des homosexuels.

Ces résultats, publiés dans la revue Sex Roles, tendent à indiquer que nos sociétés occidentales, qui établissent l’égalité hommes-femmes comme un principe fondamental, connaissent encore une réticence envers les droits des homosexuels.

"Plus on égalise les genres, et plus il devient difficile aux hommes 'traditionnels' de gérer cette égalité pour continuer à construire leur masculinité", conclut Juan M. Falomir.

ats

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