La Liberté

«Ailleurs, c’est nulle part»

Publié le 09.12.2019

Temps de lecture estimé : 1 minute

Je viens d’Erythrée, j’ai 21 ans. Je suis en 3e année d’apprentissage d’installateur sanitaire et je passe bientôt les examens finaux. Quand j’aurai mon CFC, je n’aurai pas le droit de travailler, car je n’aurai pas de permis de séjour. Je ne peux aller nulle part ailleurs en raison de l’accord de Dublin, car c’est en Suisse que j’ai demandé l’asile. Je ne pourrai pas signer de contrat. Je ne pourrai pas gagner ma vie. Je ne pourrai pas partir. Je recevrai l’aide d’urgence, 10 francs par jour, pour ne rien faire.

J’ai quitté ma famille à 16 ans pour éviter d’être enrôlé dans l’armée. Mon père y est depuis 32 ans et ne souhaitait pas cette vie pour moi.

Après plus d’une année en Suisse, j’ai commencé un apprentissage. Avec l’aide de ma famille d’accueil et le soutien de mon patron, j’ai franchi beaucoup d’obstacles. Entre-temps, j’ai reçu un rejet définitif de ma demande d’asile. Le Service cantonal de la population et des migrants m’autorise à poursuivre ma formation, mais sans garantie de pouvoir la terminer.

Ne pas avoir de permis, ne pas pouvoir travailler, c’est difficile à accepter. Rester assis malgré un CFC, c’est pire encore.

Je veux utiliser ce que j’ai gagné par mon travail, comme mes parents me l’ont appris. J’aurais pu faire plein de choses, mais je n’arrive plus à me projeter. Ce système nous pousse à partir de nous-mêmes, usés, parce que la Suisse ne peut pas nous renvoyer. Mais partir ailleurs, ça n’a pas de sens. Ailleurs, c’est nulle part. Un permis de séjour, c’est la promesse d’une vie digne.

Kibrom Berhane, Marly

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