La Liberté

Quand les sportifs se mettent à penser

Chronique • Pascal Mancini court et il pense, comme Dieudonné, comme Alain Soral, comme certains dynamiteurs de la démocratie.

Samedi 16 août, lors de la présentation des équipes qui participaient aux séries du 4x100 m aux Championnats d'Europe à Zurich. © DR
Samedi 16 août, lors de la présentation des équipes qui participaient aux séries du 4x100 m aux Championnats d'Europe à Zurich. © DR
Une photo postée par Pascal Mancini sur son compte Facebook après son titre national. © DR
Une photo postée par Pascal Mancini sur son compte Facebook après son titre national. © DR

Jean Ammann

Publié le 30.08.2014

Temps de lecture estimé : 3 minutes

C’est une vieille connaissance, Pascal Mancini. Je me souviens l’avoir vu débouler sur la piste de Saint-Léonard: il était cadet avec des épaules de senior, il dévastait tout sur son passage. Le Bob Hayes de la FSG Lully-Estavayer-le-Lac. Le sentiment d’avoir vu ce jour-là courir l’avenir du sprint fribourgeois, sûrement, et l’avenir du sprint suisse, peut-être. Les événements ont confirmé cette impression. Pour une fois que le prophète a raison, permettez qu’il se gargarise un peu!

Il a couru de plus en plus vite, jusqu’à sa sortie de piste pour une histoire - inédite dans les annales de la médecine - de praticien qui confond la cortisone et la nandrolone. Deux ans de suspension, dont Pascal Mancini est revenu au mois de janvier. Retour fracassant: médaille d’argent aux championnats de Suisse indoor à 7 centièmes d’Amaru Schenkel, record personnel et record fribourgeois durant l’été (10’’28), champion de Suisse à Frauenfeld… Bravo, chapeau l’artiste, il fallait du caractère pour braver les regards, affronter sa mauvaise réputation, laver son honneur. Pascal Mancini l’a fait.

Il nous est apparu aux championnats d’Europe, rayonnant, satisfait de sa demi- finale, heureux de lancer le relais 4 x 100 m. Je n’avais rien vu des gestes de Pascal Mancini à Frauenfeld et à Zurich: je ne connais le théâtre de Dieudonné que par Anelka. Un bras tendu, un autre replié vers l’épaule. Cela s’appelle une quenelle. Les initiés l’apprécient. Certains disent que c’est un salut nazi déguisé. Je me suis informé: l’allusion au nazisme n’est pas explicite, mais c’est clairement une incitation à sodomiser les importuns. Sur le site de Dieudonné, la quenelle s’accompagne d’une chanson qui évoque les joyeusetés de la coloscopie, un sous-titre apparaît de temps en temps «Allez-vous faire enc@@»… Tout ça n’est pas très fin, tout ça respire la haine, ça pue…

La quenelle de Pascal Mancini a pris une ampleur internationale: les sites proches de Dieudonné l’ont reprise, les hérauts de «la dissidence» interviewent le sprinteur fribourgeois et louent sa «virilité» (drôle d’argument). Pascal Mancini ne s’est pas déballonné: il adhère totalement à la pensée de Dieudonné, d’Alain Soral et d’autres dynamiteurs de la démocratie, dont il tient une liste à disposition.

D’où mon malaise. C’est étrange de voir un athlète se mettre à penser… Attention! Je ne dis pas que les athlètes ne réfléchissent pas, loin de moi l’idée de colporter le cliché du sportif décérébré! Mais c’est étrange de voir un athlète exprimer publiquement ses convictions, quand d’habitude il se réfugie derrière des phrases toutes faites. Je m’aperçois d’une contradiction: je veux bien que les sportifs pensent, à condition qu’ils pensent comme moi. C’est ma conception personnelle du débat démocratique et c’est peut-être une question de survie: la démocratie, librement conspuée par ses ennemis, mourra d’un excès de tolérance.

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