Le dernier chant de Zimmermann
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La mythologie familiale veut qu’il ait appartenu à la célèbre tante Marguerite, qui ne trouva ni mari à aimer, ni enfant à élever, mais qui avait dans cet instrument un fidèle compagnon. Il a passé de main en main puis, un jour, a entamé un long voyage jusqu’à mon appartement fribourgeois. Il faut dire que ses dimensions modestes étaient un atout de taille pour qui vit comme moi au quatrième étage; il rentrait dans l’ascenseur. Les dix années suivantes, il les a passées dans le hall d’entrée, le plus souvent dans le silence. Il faut dire que l’âge l’avait privé de voix sur toute une octave. A ma demande, un accordeur avait essayé de lui redonner de sa superbe, sans conviction et sans succès. Docilement (et trop rarement), il se pliait aux maladresses de mes doigts manquant d’exercice. Récemment, il s’était habitué aux assauts de ma descendance. Ce matin, je l’ai fait encore un peu chanter. Un chant d’adieu. C’est si triste, un piano que l’on va détruire. AML