La Liberté

«Laissez-nous digérer les films!»

Compétition • Geraldine Chaplin est au FIFF avec le bouleversant «Sand Dollars», où elle incarne une touriste désespérément amoureuse d’une jeune Dominicaine. Rencontre.

«Etre vieux n’a rien de positif, on n’est pas plus sage, pas plus intelligent…» confie Geraldine Chaplin (70 ans). © Charly Rappo
«Etre vieux n’a rien de positif, on n’est pas plus sage, pas plus intelligent…» confie Geraldine Chaplin (70 ans). © Charly Rappo
«Les jeunes le sont bien plus. L'alternative, c’est la mort» poursuit-elle. © Charly Rappo
«Les jeunes le sont bien plus. L'alternative, c’est la mort» poursuit-elle. © Charly Rappo
«Laissez-nous digérer les films!» © Charly Rappo
«Laissez-nous digérer les films!» © Charly Rappo
Geraldine Chaplin hier à Fribourg avec le jeune comédien dominicain Ricardo Ariel Toribio. © Charly Rappo
Geraldine Chaplin hier à Fribourg avec le jeune comédien dominicain Ricardo Ariel Toribio. © Charly Rappo
«Laissez-nous digérer les films!» © Charly Rappo
«Laissez-nous digérer les films!» © Charly Rappo
«Laissez-nous digérer les films!» © Charly Rappo
«Laissez-nous digérer les films!» © Charly Rappo
«Laissez-nous digérer les films!» © Charly Rappo
«Laissez-nous digérer les films!» © Charly Rappo

Florence Michel

Publié le 27.03.2015

Temps de lecture estimé : 5 minutes

La chance, toujours la chance, elle ne cesse de le souligner. Celle d’être née sous l’étoile Chaplin, qui lui a ouvert les portes d’un univers magique, fait découvrir le monde et jouer dans plus de 140 films. Geraldine Chaplin parle encore de «chance incroyable» quand on lui demande s’il lui a fallu de l’audace pour tenir le rôle d’Anne dans «Sand Dollars», une riche Française qui, sous le vent des Antilles, se meurt d’amour pour une jeune Dominicaine espérant échapper à la pauvreté. Travailler avec le couple de réalisateurs Laura Amelia Guzmán et Israel Cárdenas (République dominicaine et Mexique), la star l’avait espéré après avoir vu leur film «Jean Gentil» (2010). Ils l’ont appris et lui ont proposé ce rôle à la profondeur troublante dont bien des actrices septuagénaires doivent rêver (elle-même est née en 1944 en Californie).

Il a déjà valu à Geraldine Chaplin des prix d’interprétation dans les festivals de Chicago et de La Havane. On ne sait pas encore si le film sera distribué en Suisse. Hier à midi, l’actrice est arrivée en toute simplicité à Cap’Ciné pour présenter le film (elle y sera encore aujourd’hui), accompagnée par un des protagonistes du film, Ricardo Ariel Toribio. Ce musicien dominicain de 22 ans a lui aussi eu de la chance, puisqu’il a débuté devant les caméras aux côtés de Geraldine Chaplin (de même que la jeune Yanet Mojica, elle aussi débutante et époustouflante)! Après la projection, interview.

- Vous êtes restée dans la salle pour revoir le film…

Geraldine Chaplin: Je ne me fatigue jamais de le voir, je l’adore! A chaque fois c’est différent, comme une pièce de théâtre.

- A travers une histoire de tourisme sexuel, le film ne questionne-t-il pas l’amour tout court, les relations de pouvoir, la jalousie?

Oui il aborde toutes les contradictions de la relation amoureuse et des abus qui peuvent en découler. Ici bien sûr on est dans les extrêmes: la riche Européenne blanche et ridée, la jeune Noire pauvre qui, elle, a le pouvoir de la jeunesse.

- «Sand Dollars» pose une critique sociale, mais ne juge pas les personnages et montre le point de vue dominicain. Comment le film a-t-il été reçu en République dominicaine?

Il a eu un grand impact, il n’a pas choqué parce que ce qu’il montre est une réalité - des gens vivent du tourisme de multiples manières. Ce que j’aime particulièrement, c’est qu’il respecte le spectateur en le laissant tirer ses conclusions. Aujourd’hui le cinéma n’a plus de respect pour le public, on nous fait engouffrer des choses prédigérées. Là c’est le contraire, très élégant et délicat. Laissez-nous digérer les films nous-mêmes!

- Vous, la star, avez accompagné les premiers pas de deux jeunes acteurs dominicains, on vous sent très engagée et affectueuse avec eux, que leur avez-vous appris?

Mais c’est moi qui ai beaucoup appris, je suis égoïste, je prends! (elle rit) Ricardo, ce regard qu’il a, cette honnêteté, cette vulnérabilité… On regarde dans ses yeux, on se dit «il y a quelqu’un qui habite là». Chez beaucoup d’acteurs, personne n’y habite.

- Vos yeux à vous, dans le film où votre personnage souffre de ne pas être aimé, nous évoquent un clown triste, Charlot… Est-ce que cela vous agace qu’on vous parle tout le temps de votre père?

Non, j’adore qu’on m’en parle. Mais de toute façon la vieillesse, c’est un massacre, c’est ridicule, atroce, je hais cela!

- Mais vous semblez croquer la vie!

J’en donne peut-être l’impression… Mais être vieux n’a rien de positif, on n’est pas plus sage, pas plus intelligent… Les jeunes le sont bien plus. Seulement alternative, c’est la mort.

- Donc le discours sur la sagesse, la maturité, la beauté des rides, ça n’est pas pour vous!

Oh non quelle horreur! Bon, grâce à mes rides je bosse.

- Et même beaucoup…

Je viens de travailler dans deux films dont les tournages se terminent, l’un avec Juan Antonio Bayona (réalisateur espagnol de films fantastiques avec qui elle a tourné «L’Orphelinat» en 2007 et «The Impossible» en 2012, ndlr), ça s’appelle «A Monster Calls», avec Liam Neeson et Sigourney Weaver; l’autre avec Valérie Donzelli. Maintenant, j’attends qu’on me téléphone!

- Un musée Chaplin est en cours de création dans le Manoir de Ban à Corsier, où vous avez grandi. Êtes-vous impliquée?

Non car je suis sortie de la «famille» il y a douze ans: il y avait tout le temps des bagarres. Alors je n’ai plus ma part dans rien, mais je suis très très copine avec tous mes frères et sœurs. J’adore l’idée du musée, l’ouverture est prévue au printemps 2016.

- Quel lien avez-vous avec Fribourg?

J’y venais très souvent avec mon papa, il adorait Fribourg. Dans la Vieille-Ville, il dirigeait ma mère: «Prends-moi en photo comme ça!», il se mettait derrière un mur et prenait son bras comme si quelqu’un l’étranglait, il faisait des witz. Le festival de films est excellent, il montre le genre de cinéma que je regarde.

> Venedredi 12h15 Cap’Ciné 1.

> Les articles sur le FIFF sont à lire dans le dossier fiff.laliberte.ch

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