La Liberté

H.R. Giger, un passeur de rêves

Documentaire • La réalisatrice fribourgeoise Belinda Sallin a filmé le génial créateur d’Alien dans son univers parallèle. L’artiste décédé en mai dernier lui a livré un fascinant testament.

H.R. Giger, un passeur de rêves © DR/www.darkstar-movie.com
H.R. Giger, un passeur de rêves © DR/www.darkstar-movie.com
Dans le jardin de la résidence de l'artiste. © DR/www.darkstar-movie.com
Dans le jardin de la résidence de l'artiste. © DR/www.darkstar-movie.com

Marc-Roland Zoellig

Publié le 22.11.2014

Temps de lecture estimé : 5 minutes

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Décédé subitement le 12 mai dernier, H.R. Giger n’a pas pu assister à la première projection du documentaire que la Fribourgeoise Belinda Sallin a consacré à son univers fascinant. «Dark Star», qui sortira dans les salles romandes mercredi prochain après un accueil enthousiaste en Suisse alémanique, n’a pas été conçu au départ pour être le testament du génial créateur d’Alien. Par la force du destin, c’est pourtant ce qu’il est devenu. Et il s’agit heureusement d’une magnifique réussite, tant par son esthétique visuelle que par l’éclairage passionnant qu’il jette sur un artiste hors du commun et sur son œuvre.

Ce film de 96 minutes, c’est aussi l’histoire d’une belle rencontre entre une réalisatrice et son sujet. Un soir, Belinda Sallin se rend chez H.R. Giger à l’invitation de Sandra Beretta, qui a partagé autrefois la vie de l’artiste installé depuis les années 1970 dans le quartier d’Oerlikon, à Zurich. «J’ai d’abord flashé sur son incroyable maison. Je me suis immédiatement dit qu’il y avait là matière à faire un film», se souvient la réalisatrice.

Elle qui appréciait déjà l’œuvre de Giger a toutefois été définitivement conquise lorsqu’elle a rencontré l’artiste en chair et en os. «Je m’attendais à quelqu’un de sombre et de distant, j’ai fait la connaissance d’un homme gentil et chaleureux.»

Le documentaire montre d’ailleurs bien à quel point ce ciseleur de cauchemars était entouré et aimé par ses proches et ses amis, qui défilaient en rangs serrés dans la cuisine de sa vaste demeure. «Il était comme une étoile fixe au centre de son propre univers, autour duquel tout le monde tournait. C’est aussi pour ça que mon film s’appelle Dark Star», sourit Belinda Sallin.

«Avec Hans Ruedi, nous avons développé une relation basée sur le respect et la confiance», apprécie la réalisatrice. «Je me suis souvent rendue chez lui, sans caméra, pour discuter. Comme il est très modeste, il s’est d’abord étonné de ma démarche. Il m’a demandé s’il n’y avait pas d’autres artistes en Suisse qui méritaient davantage que lui d’être le sujet d’un film.» Belinda Sallin est toutefois parvenue à le convaincre, notamment en l’assurant qu’elle ne comptait pas faire de longues interviews. «Sa santé était déjà entamée et il avait un peu de mal à parler.» Mais surtout, Giger n’aimait pas expliquer son art, lui que beaucoup de proches ont décrit comme une sorte de passeur qui transmettait ses visions davantage qu’il ne créait une œuvre.

Un homme sensible

«C’était un homme extrêmement sensible. Je pense qu’il ressentait et voyait des choses que d’autres personnes ne percevaient pas», affirme Belinda Sallin. Ses peintures - qu’il réalisait à l’aérographe sans faire de croquis préalables - et ses sculptures reflétaient le plus souvent ses peurs et ses cauchemars. «Il a trouvé le moyen de dompter ses sentiments grâce à son art. C’est sans doute pour cela qu’il avait un caractère aussi équilibré», avance la réalisatrice.

Le tournage de «Dark Star» s’est déroulé de septembre 2013 à avril 2014. «Cinq jours avant la mort de Hans Ruedi, nous avons encore réalisé les photos pour l’affiche. L’annonce de son décès a été un choc. Nous étions en plein montage», se souvient Belinda Sallin. «Cela nous a pris un moment pour retrouver nos esprits. Mais nous voulions terminer le travail. Pour lui, pour ses proches, pour sa veuve Carmen qui a toujours été avec nous. Hans Ruedi m’a dit un jour qu’il était heureux, qu’il avait fait ce qu’il voulait faire de sa vie. Il a réalisé ses rêves.»

*****

Dans la maison

Une grande maison d’allure défraîchie, enserrée dans une ceinture de végétation anarchique. La demeure de H.R. Giger, dont les images ouvrent le documentaire de Belinda Sallin, est un personnage à part entière du récit. Le musicien Tom G. Warrior, l’un des proches du maître des lieux, la décrit d’ailleurs comme un organisme vivant en perpétuelle évolution. Sculptures, livres, peintures: le créateur d’Alien a stocké les artefacts d’une vie de création dans ce vaste logis dont la caméra explore les ténèbres et les escaliers grinçants.

A l’image, H.R. Giger apparaît très affaibli par la maladie. Les yeux souvent mi-clos, il se livre sans fard. Evoque quelques expériences formatrices vécues durant son enfance, comme ces visites hebdomadaires au Musée Rhétique de Coire (GR), où il se forçait à contempler une momie pour dompter sa peur. Entrelardé d’images d’archives des années 70, «Dark Star» réserve aussi des moments bouleversants comme ces séquences tournées au château de Gruyères, où le maître voyait pour la dernière fois son musée.

 

>  Un film de Belinda Sallin.

>  Avant-première en présence de la réalisatrice: dimanche 11 h, Rex Fribourg.

> En salle dès mercredi.

★★★

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