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Quand le jazz débarquait en Europe

Il y a cent ans, un orchestre américain donnait son premier concert de jazz de l’autre côté de l’Atlantique

L’orchestre du 369e régiment d’infanterie, dirigé par James Reese Europe, de retour au pays en 1919. © DR
L’orchestre du 369e régiment d’infanterie, dirigé par James Reese Europe, de retour au pays en 1919. © DR
Publié le 14.02.2018

Temps de lecture estimé : 2 minutes

Musique »   Le 12 février 1918, l’orchestre du 369e régiment d’infanterie américain, les Harlem Hellfighters, donne à Nantes son premier concert de jazz sur le sol européen. Cent ans après, la ville rend hommage au «roi du jazz» James Reese Europe, notamment par le biais d’une exposition. Le jazz, qui s’appelait encore «jass», a fait irruption sur le sol européen après l’entrée en guerre des Etats-Unis en avril 1917 et l’arrivée sur son sol du corps expéditionnaire américain, dès le 26 juin, dans le port de Saint-Nazaire, près de Nantes, en France.

Surnommé le «roi du jazz», le lieutenant James Reese Europe a déjà 14 ans de carrière derrière lui quand il débarque le 1er janvier 1918 à Brest avec l’orchestre qu’il a mis sur pied, composé de 40 musiciens «parmi les meilleurs de l’époque», explique Matthieu Jouan, commissaire général des commémorations 100 Ans Jazz.

Ragtime et fox-trot

Né en Alabama en 1880, star du fox-trot et du ragtime, James Reese Europe a créé en 1910 le premier syndicat de musiciens afro-américains, le Clef Club. Et son orchestre symphonique de 125 musiciens sera le premier orchestre noir américain à jouer, deux ans plus tard, sur la scène du Carnegie Hall à New York. Intégré au 369e régiment d’infanterie, l’un des quatre régiments de soldats noirs américains victimes de ségrégation ayant combattu sous commandement français, l’orchestre de big band alterne montées au front et concerts, pour distraire les troupes à l’arrière.

Le premier concert en public du Hell Fighters Band est donné le 12 février 1918 au Théâtre Graslin de Nantes. Aucune photographie n’existe mais un programme et des articles de presse en attestent. «Il sembla alors que tout le public commença à se balancer. De dignes officiers français commencèrent à taper du pied. Quand l’orchestre eut fini et que les gens éclatèrent de rire, leurs visages illuminés de sourires, j’étais forcé d’admettre que c’était exactement ce dont la France avait besoin dans ce moment critique», écrit l’un des musiciens, Noble Sissle, dans ses mémoires. «Ça a été ensuite la folie générale partout où il est passé», à Tours, Aix-les-Bains ou Paris, raconte Matthieu Jouan.

Le 369e régiment accomplira plusieurs actes de bravoure. Il a notamment reçu la Croix de guerre et 171 de ses hommes ont été décorés de la Légion d’honneur. Blessé, James Reese Europe composera l’un de ses plus célèbres morceaux, One Patrol in no man’s land, sur son lit d’hôpital. Il connaîtra une fin tragique: rentré du front en héros, il meurt lors d’une tournée, le 9 mai 1919, d’un coup de couteau porté au cou par un batteur de son orchestre. Il avait alors 39 ans. «La presse américaine titre: Le roi du jazz est mort. C’est le premier Afro-Américain à avoir des funérailles publiques à New York, raconte encore Matthieu Jouan. En 1919, James Reese Europe meurt et trois jeunes explosent: Duke Ellington, Louis Armstrong, Sidney Bechet. ATS

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