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La Suisse est presque une bonne élève

La lutte contre le blanchiment s’est bien améliorée. Les lacunes devront être comblées d’ici à février 2020

L’année dernière, les banques suisses ont signalé aux autorités des fondstotalisant plus de 17,5 milliards de francs suisses, pour des soupçons de blanchiment d’argent. © Keystone/photo prétexte
L’année dernière, les banques suisses ont signalé aux autorités des fondstotalisant plus de 17,5 milliards de francs suisses, pour des soupçons de blanchiment d’argent. © Keystone/photo prétexte

Armando Mombelli, Swissinfo

Publié le 30.10.2019

Temps de lecture estimé : 5 minutes

Place financière » Ces dernières années, la Suisse a fait de gros efforts pour améliorer son système de lutte contre le blanchiment d’argent, qui avait fait l’objet de plusieurs scandales dans le passé. Il reste toutefois encore quelques lacunes à combler d’ici le début de l’année prochaine.

Trafic de drogue, trafic d’armes, contrebande, corruption, fraude informatique. Chaque année, les activités du crime organisé génèrent des profits substantiels qui sont injectés dans l’économie légale en dissimulant leur origine. Le Fonds monétaire international (FMI) estime que le volume de blanchiment d’argent atteint un montant représentant 2 à 5% du produit intérieur brut mondial, soit 1600 à 4000 milliards de dollars par an.

Ce «nettoyage» des fonds illicites a été grandement facilité ces dernières décennies par la numérisation et la forte augmentation des transactions financières internationales. A la fin des années 1980, les pays membres du G7 et de l’OCDE ont donc décidé de lancer une action coordonnée contre le blanchiment d’argent, considérant que le contrôle des flux financiers est l’un des outils les plus efficaces pour combattre la criminalité organisée.

1. Comment la lutte est-elle coordonnée?

A l’initiative du G7, le Groupe d’action financière (GAFI) a été créé en 1989 pour élaborer des normes internationales en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Cet organisme interétatique compte aujourd’hui 39 membres, dont une vingtaine de pays européens, les Etats-Unis, la Chine, le Japon, l’Inde, le Brésil et l’Argentine.

Environ 180 pays ont jusqu’à présent accepté d’adopter les normes du GAFI, exprimées sous la forme de 40 recommandations définissant les mesures à prendre pour identifier et bloquer les flux d’argent sale. Ces mesures comprennent la création d’une autorité de surveillance du blanchiment d’argent, le renforcement de la transparence du secteur financier, l’établissement d’un cadre pénal et la coopération avec d’autres pays.

2. Où en est la Suisse en matière de lutte?

La Suisse est membre du GAFI depuis 1990. À cette époque, la place financière suisse était encore considérée comme l’une des plateformes les plus importantes pour le blanchiment de l’argent sale en provenance du monde entier. Cela a été facilité non seulement par le secret bancaire et la gestion de fortunes étrangères, mais aussi par un cadre juridique et fiscal particulièrement favorable à la création de milliers de sociétés offshore.

Sous la pression internationale et à la suite de divers cas apparus dans les années 1970 et 1980, la Confédération a renforcé à plusieurs reprises les obligations de diligence des banques. En 1997, la Confédération adopte une loi sur le blanchiment d’argent. Cette législation exige, entre autres, l’identification des clients lors de l’établissement de relations d’affaires et la déclaration des cas présumés de blanchiment d’argent.

Les progrès réalisés ces dernières années se reflètent dans le nombre croissant de cas suspects signalés par les banques et autres intermédiaires financiers. Rien qu’en 2018, le Bureau de communication en matière de blanchiment d’argent (MROS) a reçu plus de 6100 communications pour un montant de 17,5 milliards de francs.

3. Y a-t-il encore des lacunes?

La validité du système de lutte contre le blanchiment d’argent a également été confirmée par le quatrième rapport d’évaluation suisse publié par le GAFI à la fin 2016. La Suisse a obtenu un bon résultat global, supérieur à la moyenne des 80 pays examinés jusqu’à présent. Toutefois, le rapport a révélé des lacunes dans 9 des 40 recommandations du GAFI.

Afin de les combler, le gouvernement a soumis un projet de révision de la loi au parlement en juin dernier. L’un des points essentiels est que les obligations de diligence raisonnable devraient également être étendues à ceux qui fournissent des services de conseil pour la création et l’administration de sociétés ou de trusts. Les Panama Papers ont montré l’implication de plus d’un millier de cabinets d’avocats suisses et d’autres consultants dans la gestion de sociétés offshore au Panama, visant à échapper à l’impôt et à blanchir de l’argent.

À l’avenir, toutes les sociétés susceptibles d’être exploitées à des fins de financement du terrorisme et de blanchiment de capitaux devront également s’inscrire au registre du commerce. La valeur seuil pour les négociants en pierres et métaux précieux est abaissée de 100 000 francs à 15 000 francs pour l’obligation de diligence.

Le parlement est invité à éliminer les lacunes existantes d’ici février 2020, comme l’exige le GAFI. En 2021, la Suisse fera à nouveau l’objet d’un examen sur l’efficacité de son système de lutte contre le blanchiment d’argent.

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