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Rheinau ne trouve pas le financement

Une commune zurichoise aurait voulu tester le revenu de base inconditionnel (RBI) pendant un an

Rheinau ne trouve pas le financement
Rheinau ne trouve pas le financement

Ariane Gigon, Rheinau (ZH)

Publié le 05.12.2018

Temps de lecture estimé : 4 minutes

Politique sociale » Une défaite joyeuse: les habitants de Rheinau (ZH) ont accepté hier avec un sourire l’échec du financement du projet qui auraient fait d’eux des pionniers en Suisse: la campagne de financement participatif pour un revenu de base inconditionnel (RBI) n’a pas permis – de loin pas – de réunir les 6,1 millions de francs budgétés. Mais le village, pour l’heure en tout cas, y croit encore.

Rassemblés hier après-midi sur un point de vue surplombant un coude du Rhin, à la frontière allemande, une quinzaine d’habitants ont fêté la fin de la campagne de crowdfunding, à 14 h 26: à l’heure pile, 151 836 francs avaient été promis. Après quelques larmes, la réalisatrice argovienne Rebecca Panian, instigatrice du projet Un village teste l’avenir, a tenu à rappeler à quel point l’engagement de Rheinau avait été «génial». Les réflexions se poursuivent, a-t-elle annoncé.

Rheinau se fait connaître

Né après l’échec, en votation fédérale, de l’initiative fédérale pour un RBI, le projet visait à documenter – pour un film – la vie d’un village où les habitants bénéficieraient d’une allocation universelle de 2500 francs par adulte, de 200 ou 250 par enfant, selon l’état de leur formation. Quelque 770 habitants – un peu plus de la moitié du village – s’étaient inscrits.

Hier, la réalisatrice ne pensait pas avoir fait «des promesses exagérées»: «J’étais vraiment convaincue que les citoyens suisses qui avaient voté oui en 2016 seraient prêts à donner une petite subvention. S’ils avaient versé 12 francs, nous aurions obtenu six millions de francs. Il était important que beaucoup de gens participent. Nous avons aussi cherché de grands bailleurs de fonds, par exemple des entreprises ou des mécènes. J’ai promis de faire de mon mieux. Malheureusement, cela n’était pas assez.»

Pour elle, le travail effectué à Rheinau est «plutôt un succès»: «Nous avons beaucoup appris, des portes se sont ouvertes. La réflexion sur le RBI est devenue concrète. De plus, le village s’est fait connaître dans toute la Suisse et même au-delà.»

La municipalité soutenait le projet, «moralement, pas financièrement», rappelle le maire socialiste Andreas Jenni. Lui non plus ne veut pas parler d’échec. «Nous avons réussi à motiver les habitants à se pencher sur un sujet de politique sociale», analyse le maire.

La mairie avait averti les habitants de ne pas quitter leur travail ni de prévoir de nouvelles activités avant que le projet soit assuré. C’est pourtant ce qu’a fait Rozenn Banyard, une ingénieure française qui vit avec son mari et leurs trois enfants dans la commune zurichoise.

Emploi quitté

«Ce projet m’a énormément motivée, explique-t-elle. Des habitants qui ne se connaissaient pas ont noué des contacts. J’ai quitté un emploi à temps partiel qui ne me convenait pas et commencé à refaire des projets. Il est important de savoir qu’on n’est pas obligé de travailler pour avoir une valeur pour la société.» A l’extérieur, les critiques n’ont pas été rares. «Certains nous ont traités de fainéants!» se souvient Rozenn Banyard.

Pour le Bâlois Daniel Hänni, un des auteurs de l’initiative fédérale rejetée en 2016, «l’idée de tester le RBI dans un village était géniale, mais le choix de récolter des fonds à l’extérieur était idiot». Selon lui, cela a faussé la nature du projet: «Il s’agit de transferts à organiser au sein des assurances sociales, avec un résultat nul d’un point de vue financier.» Daniel Häni plaide pour un nouvel essai, mais avec intervention des pouvoirs publics. Un tel essai a été accepté par le Législatif de la ville de Zurich, mais sous une forme non contraignante.

Retour à Rheinau: Daniel Grob et Rolf Eigenheer estiment de leur côté que des erreurs ont été commises. «Il aurait fallu diminuer le budget», dit le premier. «Le projet n’était pas assez détaillé», dit le second.

Mais tous les deux sont convaincus que la discussion est loin d’être terminée. «C’est comme le suffrage féminin ou l’AVS, il faut des années et plusieurs tentatives pour les imposer», assène Daniel Grob. Lundi, les habitants discuteront de la suite à donner au projet. Entre eux, sans médias.

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