La Liberté

Un producteur suisse pour le Sputnik

Le sérum russe doit être notamment produit sous licence en Italie par une société basée à Lugano

Andrée-Marie Dussault, Locarno

Publié le 17.03.2021

Temps de lecture estimé : 5 minutes

Vaccin » C’est lui qui a signé le tout premier accord pour la production du vaccin russe anti-Covid, Sputnik V, en Europe. Antonio Francesco Di Naro, un entrepreneur de 54 ans basé au Tessin est un homme très occupé. Fondateur et président d’Adienne Pharma & Biotech, dont le siège est basé à Lugano, il prévoit de produire des millions de doses. Dix millions, comme le prétend la rumeur? «Nous avons la capacité de produire beaucoup, mais pas à cette vitesse.»

Le défi le plus grand dans cette entreprise sera en effet d’arriver à produire les doses en très grande quantité, admet-il. «Ce n’est pas facile de faire un vaccin. Il s’agit d’un médicament biologique qui nécessite beaucoup d’attention et de temps. Nous ne négligerons pas la sécurité pour le rendre disponible le plus tôt possible; nous visons une qualité maximale.» La fabrication du Sputnik V se fera à Brianza, en Lombardie, dans l’une des deux usines du groupe italo-suisse.

80

personnes sont employées par Adienne Pharma & Biotech

Ce dernier est spécialisé dans les médicaments destinés aux maladies orphelines, pour lesquelles les options de traitement existantes sont limitées, la population de patients est petite et les besoins cliniques de thérapies sont élevés. La société, qui existe depuis 16 ans, emploie 80 personnes, et a réalisé en 2019 un chiffre d’affaires de 15,7 millions d’euros. Elle est entièrement aux mains d’Antonio Francesco Di Naro.

Objectif fin 2021

Alors que le vaccin Sputnik V n’a pas encore été approuvé en Europe, à qui Antonio Francesco Di Naro entend-il le vendre? «Il est encore trop tôt pour le savoir. L’accord avec les Russes a été signé il y a un peu plus d’un mois et demi.» Pour le moment, la première étape consiste à assurer le transfert de technologie. La préparation du processus de production prendra quelques mois, indique-t-il, précisant qu’Adienne dispose déjà de toute l’infrastructure et des bioréacteurs – les appareils qui permettent de produire le vaccin – nécessaires pour sa fabrication.

«Puis, nous procéderons à la production d’un lot pilote, non commercial, qui pourrait éventuellement être prêt en juillet. S’ensuivra une phase d’évaluation qui nous permettra de déterminer combien de doses nous serons en mesure de produire en combien de temps», détaille-t-il. Les résultats seront ensuite soumis à l’Agence italienne du médicament (AIFA). «L’objectif serait de faire valider les données et d’obtenir le feu vert de l’AIFA pour la fin de l’année de façon à pouvoir dès lors lancer la production. Mais pour le moment, je ne peux rien garantir.»

«Comme scientifique, je suis profondément convaincu que le Sputnik V est un produit très valable»
Antonio Francesco Di Naro

L’Agence européenne des médicaments (EMA) est justement en train de passer en revue le dossier du Sputnik V, examinant son efficacité, sa sécurité et sa qualité, en vue d’une possible approbation pour sa vente au sein de l’Union européenne. L’entrepreneur a bon espoir d’une décision positive. «Comme scientifique, je suis profondément convaincu que le Sputnik V est un produit très valable», assure-t-il. S’il ne pouvait être vendu en Europe, il pourra l’être là où il est déjà approuvé, souligne-t-il, soit dans une cinquantaine de pays.

Choisi parmi plusieurs

Si l’annonce de la signature de l’accord pour la production du Sputnik V en Italie a fait froncer les sourcils des autorités de la Péninsule et européennes, Antonio Francesco Di Naro se défend de faire de la politique, sa décision n’ayant rien d’idéologique. «Un vaccin n’a pas de drapeau. Un médicament doit être évalué selon son efficacité et non sa provenance; s’il est bon, il est bon.» Il explique que la Chambre de commerce italo-russe a mis Adienne en contact avec le Fonds d’investissement direct russe (RDIF), propriétaire du vaccin, et celui-ci a sélectionné sa société parmi plusieurs entreprises européennes pour produire le Sputnik V.

91,6%

L’efficacité du vaccin Sputnik V

«Les Russes voulaient une société qui puisse apprendre rapidement leurs méthodologies pour fabriquer le vaccin», poursuit-il, faisant valoir que le travail d’Adienne dans le secteur des dispositifs de sauvetage en oncologie, de la recherche à la production, les a convaincus. «Il s’agit pour nous d’un honneur, d’un privilège et d’une grande reconnaissance de notre expertise dans la production de médicaments biologiques et d’anticorps monoclonaux.»

Développé par l’Institut de recherche d’épidémiologie et de microbiologie Gamaleya, le Sputnik V a été approuvé en Russie en août 2020. La revue scientifique Lancet a publié en février les résultats de la troisième phase des essais cliniques du vaccin, confirmant sa sécurité et une efficacité de 91,6%.

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