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En Turquie, l’imbroglio politico-religieux

En Turquie, l’imbroglio politico-religieux
En Turquie, l’imbroglio politico-religieux

Paul Grossrieder

Publié le 21.04.2021

Temps de lecture estimé : 2 minutes

Opinion

Le coup d’Etat manqué de juillet 2016 marque une date clé dans l’évolution de la Turquie d’aujourd’hui, car Erdogan l’a utilisé pour s’adjuger tous les pouvoirs et se débarrasser de tous ses opposants.

En politique étrangère, le président turc pratique une approche diplomatico-militaire. En 2019, il déclarait en effet: «Aujourd’hui, la Turquie peut lancer une opération pour protéger sa sécurité nationale sans demander l’autorisation de qui que ce soit.» Elle l’a démontré dans les trois incursions militaires qu’elle a menées au nord de la Syrie et en lançant une offensive terrestre dans le nord de l’Irak contre les rebelles du PKK (Parti des travailleurs kurdes).

Elle est également intervenue en Méditerranée orientale pour tenter de mettre la main sur les nouveaux gisements gaziers récemment découverts. Erdogan s’est aussi porté au secours du gouvernement d’union nationale libyen, mettant ainsi en échec les attaques du maréchal Haftar sur Tripoli. Enfin, avec ses drones armés et 3000 mercenaires syriens, le Gouvernement turc a pris fait et cause pour l’Azerbaïdjan dans la guerre contre les Arméniens pour le contrôle du Nagorny-Karabakh.

Mais quelles sont les motivations de l’activisme militaire tous azimuts d’Erdogan? A première vue, ces engagements sont assez disparates. En Méditerranée orientale, la Turquie lutte pour les hydrocarbures. En Syrie et en Irak, elle le fait contre les Kurdes. En Libye, elle affiche sa volonté d’affirmer son pouvoir contre l’Arabie saoudite, soutien du maréchal Haftar. Dans le Nagorny-Karabakh, Erdogan veut venger les Azéris contre les Arméniens, une vieille histoire.

Au-delà de ces motivations ponctuelles variées, on peut déceler des motifs de politique intérieure. Sur la scène domestique, Erdogan est fragilisé, notamment du fait de la grave crise économique du pays. C’est pourquoi il tente de détourner l’attention de son électorat vers des enjeux de politique extérieure.

Du point de vue géopolitique, Erdogan s’est joint à la triplice des Frères musulmans et des chiites avec le Qatar (qui finance en partie les opérations turques) et l’Iran (intéressé à la lutte contre la domination saoudienne au Moyen-Orient), dont le but est de faire pièce à l’alliance dite abrahamique voulue par Trump pour résoudre les problèmes de la région. Cette alliance regroupe les Etats-Unis, les Emirats arabes unis et Israël. En la contrant, le président turc entend prendre la direction des sunnites du monde. Mais l’aspect religieux de la triplice cache aussi une volonté politique de la Turquie de regagner un rôle international antioccidental et pro-islamique.

Erdogan aura-t-il les ressources nécessaires pour parvenir à ses fins? Malgré ses limites, il met l’Union européenne et l’Otan en difficulté. Celles-ci sauront-elles comment traiter avec la Turquie, membre de l’Alliance atlantique? Dans leur attentisme, comptent-elles sur une défaite d’Erdogan aux présidentielles de 2023? Quoi qu’il en soit, il est dangereux d’être complaisant à l’égard d’un autocrate qui ne connaît que les rapports de force et des alliances qui évoluent au gré des circonstances.

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