La Liberté

Fribourg bridé, Fribourg menotté

Le dernier «indice intercantonal de la liberté» du think tank Avenir Suisse place Fribourg parmi les cancres. Une catastrophe, vraiment? 

Louis Ruffieux est journaliste et ancien rédacteur en chef de «La Liberté». © Alain Wicht/La Liberté
Louis Ruffieux est journaliste et ancien rédacteur en chef de «La Liberté». © Alain Wicht/La Liberté

Louis Ruffieux

Publié le 31.12.2019

Temps de lecture estimé : 3 minutes

Opinion » Aucune envie de plomber votre fin d’année festive, mais avez-vous vu le résultat de Fribourg au classement intercantonal 2019 de «l’indice de liberté»? Eh bien, c’est pas beau. Fribourg se situe au 22e rang, très loin du champion Schwytz. «Fribourg de retour au fond de la classe», note le prof, en l’occurrence Avenir Suisse, qui mesure depuis dix ans le degré de liberté dont jouissent les habitants des cantons. Fribourg n’a jamais vraiment quitté les bancs de derrière, près du radiateur, là où, avant l’invention du chauffage au sol, les cancres attendaient que ça passe.

Avenir Suisse, boîte à idées (think tank) largement dotée par les plus grandes entreprises du pays, n’a pas pour but ultime l’épanouissement d’un marxisme alpin. Le libéralisme est son credo, et on ne l’honorera jamais assez à ses yeux. Les comparaisons internationales plaçant la Suisse parmi les économies les plus libres du monde, Avenir Suisse ajoute son wasabi à la crème pâtissière: ne nous réjouissons pas trop, car ces évaluations ne font que peu cas de toutes les limitations de liberté relevant des cantons. «L’indice de liberté», jauge intercantonale, se veut donc complémentaire aux appréciations étrangères.

Le renard note mal l’aviculteur qui érige une clôture infranchissable...

Fruit d’une savante analyse d’une trentaine de paramètres, cet indice «indique à quel point les cantons sont libéraux en matière économique et sociale». Le mauvais résultat 2019 de Fribourg (fondé sur les données de 2017) s’explique surtout par les indicateurs économiques. Les horaires d’ouverture des magasins et la loi sur la vente d’alcool «sont les plus restrictifs de toute la Suisse». Par rapport aux autres cantons, «l’emploi dans le secteur public et la quote-part de l’Etat sont élevés», tandis que les rendements fiscaux sont plutôt faibles. En outre, assure Avenir Suisse, «l’équilibre des finances cantonales s’est considérablement détérioré». Nous qui avons cru l’Etat annonçant un bénéfice 2017 de 16 millions…

Fribourg s’en sort un peu mieux dans les indicateurs sociaux. Mais le canton serait le champion suisse du poireautage pour obtenir un permis de construire. Sans parler de l’interdiction de certaines races canines, «plus restrictive que la moyenne». Est-ce vraiment grave? Avenir Suisse admet que la liberté est une notion subjective, et qu’elle peut être bridée par consentement du plus grand nombre. On peut préférer vivre avec le souffle du monstre étatique sur sa nuque plutôt qu’avec un pitbull accroché à son mollet.

La liberté que défend intellectuellement Avenir Suisse, c’est celle du renard dans le poulailler, pour reprendre une image sépia. Le renard note mal l’aviculteur qui érige une clôture infranchissable autour de son parc. Mais les poules respirent et caquettent: «La liberté du renard s’arrête là où commence ma liberté de vivre», ou: «Entre le fort et le faible, entre le renard et la pondeuse, c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit»…

Allons, même menottés dans le classement d’Avenir Suisse, passons joyeusement le cap 2020, en toute liberté. Fribourg (Libreville en français) n’a pas encore à envisager son jumelage avec Bagnes.

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