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Jean-Claude Henguely: «Je veux continuer la Jazz Parade!»

Interview • A l’heure de boucler la 25e édition de la Jazz Parade, qui a attiré plus de 30000 personnes en dix jours, son organisateur, Jean-Claude Henguely, ne mâche pas ses mots et se dit confiant quant à l’avenir…

«Pas une goutte de pluie en dix jours! Ce n’était plus arrivé depuis 2003», indique Jean-Claude Henguely qui garde de bons souvenirs de cette 25e édition, notamment le concert de Dee Dee Bridgewater. © Alain Wicht/La Liberté
«Pas une goutte de pluie en dix jours! Ce n’était plus arrivé depuis 2003», indique Jean-Claude Henguely qui garde de bons souvenirs de cette 25e édition, notamment le concert de Dee Dee Bridgewater. © Alain Wicht/La Liberté

Stéphanie Schroeter

Publié le 15.07.2013

Temps de lecture estimé : 10 minutes

En ce dimanche après-midi, il fait beau, il fait chaud et Jean-Claude Henguely est calme. Le manque de sommeil sans doute ou simplement l’envie d’être un peu plus zen et moins bouillonnant, surtout en plein soleil. Qu’importe. L’infatigable organisateur de la Jazz Parade, dont la 25e édition s’est achevée la veille au centre-ville de Fribourg, supervise le démontage des installations depuis qu’il s’est levé à 7heures.

«Il ne faut pas se disperser, pas maintenant!», explique-t-il avec sa grosse voix habituelle en référence aux quelques jours de travail intense qui l’attendent et surtout à la polémique actuelle liée à l’éventuelle suppression de «sa» manifestation et son remplacement par le festival Les Georges en 2014. Rencontre avec celui qui fêtera bientôt ses 64ans, pour évoquer ce quart de siècle passé sur la place Georges-Python.

- Quel bilan tirez-vous de cette 25e édition?

Jean-Claude Henguely: Le beau temps! Pas une goutte de pluie en dix jours! Ce n’était pas arrivé depuis 2003. Sinon, j’ai beaucoup apprécié Gustav, Dee Dee Bridgewater et Arturo Sandoval.

- Et Nina Hagen?

J’ai écouté de loin. Elle a fait un peu la bobette sur scène. J’étais plus préoccupé par les questions de sécurité car on a eu 5250 entrées payantes et 7000 personnes au final (ndlr: l’entrée était payante dès 18h30) sur la place durant son concert. C’était une des plus fortes affluences de cette année.

- Justement en parlant de chiffres, combien de personnes ont assisté à la Jazz Parade cette année?

Je dirais environ 24'000 entrées payantes et 35'000 personnes au total sur les dix jours. C’est 10 à 20% de plus qu’une édition normale mais c’est à cause de la météo.

- Votre meilleur et votre pire souvenir en 25 ans?

Petrucciani, Bécaud, Nougaro. Je ne garde que des bons souvenirs surtout quand la place est pleine et que tout le monde chante!

- Un mauvais souvenir?

Je dirais les emmerdes, chaque année, avec la ville de Fribourg! C’est surtout le cas depuis que Madeleine Genoud-Page est en charge de la culture au Conseil communal. Je sais qu’on veut se débarrasser de moi, c’est pour ça que la ville a mis sur pied ce concours (ndlr: dont le projet Les Georges est le lauréat). Nous y avons participé et n’avons même pas été auditionnés!

- Nombreux sont ceux à souhaiter un renouveau sur la place Georges-Python durant l’été. Que leur dites-vous?

Je leur dis: «Pas de problème!» Mais aussi qu’il s’agit là d’éliminer quelqu’un qui bosse depuis 25ans. Il y a assez de place pour des trucs nouveaux. Pourquoi enlever la Jazz Parade? Je n’ai rien contre Les Georges mais ils n’ont aucune expérience, ils sont un peu rêveurs. C’est un peu insultant pour ceux qui aiment la Jazz Parade que l’on veut aujourd’hui remplacer par un truc d’intellos qui amène 10 ou 15 personnes! Mais je ne crois pas que ça se fera. J’aimerais quand même connaître ce projet qui est encore un peu flou. Il faut des têtes d’affiche pour amener 3000 personnes sur la place Python!

- ll y a donc selon vous de la place pour tous. Pourquoi alors ne pas avoir voulu collaborer avec Les Georges et sortir par la grande porte?

Il y a deux mois d’été pour faire un festival donc il y a de la place. Moi je serai là le 15 juillet 2014. Je dis aussi que chacun a son public. Mais on ne peut pas arriver comme ça et me dire: «Tu conduis le tracteur et on fait le reste!» Je n’ai pas envie de passer de l’autre côté de la barrière et qu’on me dise qu’on n’a pas les sous pour me payer…

- En parlant de salaires, certains employés n’ont pas été payés pour leur travail à la Jazz Parade…

Je suis relax avec cette question que j’entends souvent. On a 320000 francs de salaires! Si on ne les payait pas, les gens râleraient. La première chose que je fais est de payer les gens. Il est arrivé que certains aient dû attendre un ou deux mois car on n’avait pas encore reçu l’argent des sponsors.

- Vous avez pourtant quelques démêlés judiciaires à ce propos…

On a parfois eu des soucis avec des étudiants qui déclaraient un nombre d’heures de travail plus élevé que la réalité. Il y a eu des procédures au Tribunal des prud’hommes mais on ne m’a jamais donné tort. Et personne ne travaille au noir chez nous! Nos comptes sont gérés par une fiduciaire et vérifiés par un organe de révision.

- Que ferez-vous l’année prochaine si la Jazz Parade s’arrête?

Pour le moment j’attends de voir ce que vont dire l’agglo et la Loterie romande qui nous subventionnent à hauteur de respectivement 65'000 francs et 125'000 francs On verra également ce que le Conseil communal décide. Nous avons demandé qu’il annule son concours (voir ci-dessous). S’il ne le fait pas, on ira chez le préfet. Je veux continuer la Jazz Parade! On a aussi fait une nouvelle demande pour obtenir l’autorisation de l’organiser ces trois prochaines années.

Et si vous n’obtenez pas cette autorisation?

Peut-être que je me mettrai au chômage en attendant la réponse du Conseil communal. Mais je n’arrive pas à imaginer qu’on puisse me foutre dehors sans raison après 25 ans! Je pourrais aussi trouver une autre solution, faire mon truc ailleurs. Une chose est sûre, je ne me laisserai pas faire, c’est une question de principe et ces gens me retrouveront sur leur chemin!

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«Nous ne reviendrons pas en arrière!»

«Je ne souhaite pas m’exprimer sur cette question!» Conseillère communale de Fribourg en charge des finances mais aussi de la culture, Madeleine Genoud-Page semble fatiguée de la polémique liée à l’éventuelle disparition de la Jazz Parade. Rappelons, pour ceux qui auraient manqué un épisode, que le Service culturel de la ville a organisé un concours, l’automne dernier, afin de désigner une manifestation qui remplacerait la Jazz Parade sur la place Georges-Python durant l’été 2014. C’est le festival Les Georges qui a séduit le jury avec son projet de six soirées mêlant concerts gratuits et payants ainsi que divers ateliers et activités prometteuses.

L’Association du Festival international de jazz de Fribourg a dénoncé des «irrégularités» dans le concours organisé par le Service culturel affirmant également que Les Georges ne disposent d’aucun financement ni autorisation pour mettre sur pied un festival sur le territoire communal l’année prochaine. Autre reproche formulé: le projet primé compte parmi ses cosignataires Laurent Steiert, frère de Thierry Steiert, conseiller communal en charge de la police locale et membre du jury du concours («LL» du 18 juin).

Dans le même temps, l’Association du Festival de jazz international de Fribourg a lancé une pétition pour maintenir la Jazz Parade dont la 25e édition s’est achevée samedi soir. Les résultats de cette récolte de signatures ainsi que les démarches entreprises auprès du Conseil communal seront présentés ce matin lors d’une conférence de presse. L’Association du Festival de jazz donnera en outre son point de vue sur «l’émergence d’une nouvelle animation au centre-ville, telle qu’elle a été présentée par le Service culturel de la ville», informe Max Jendly, responsable de la communication de l’association. D’aucuns murmurent que l’association est d’avis qu’il y a de la place pour les deux manifestations en ville de Fribourg…

A la question de savoir si un retour en arrière est envisageable, Madeleine Genoud-Page est formelle: «Nous ne reviendrons pas en arrière!» Et la conseillère communale de donner quelques informations liées à la suite des événements. «Le Service de la mobilité donnera un préavis sur le nouveau festival proposé. Puis, le Conseil communal se déterminera, probablement durant l’automne et le projet sera mis à l’enquête», explique celle qui a bon espoir que l’exécutif la suive. «Il l’a toujours fait mais on ne sait jamais les pressions qu’il peut y avoir», glisse l’élue en précisant encore que la capitale cantonale ne subventionne pas la manifestation mais fournit des prestations «en nature» comme celle de la voirie.

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Encore une pétition…

On connaît la pétition pour le maintien de la Jazz Parade, il existe depuis samedi dernier une pétition contre la manifestation. «Non à la Jazz Parade. Oui à une nouvelle manifestation en été à Fribourg» est une pétition mise en ligne par un certain Adrien Q. dont on ignore l’identité. Il avait récolté plus de 50 signatures hier et espère en obtenir 100. «Depuis de nombreuses années, la Jazz Parade anime tant bien que mal les étés du centre-ville de Fribourg. Elle s’est progressivement renfermée tant au niveau tarifaire que de la programmation voyant sa formule s’essouffler…

Les commerçants fribourgeois ont déjà fait l’amère expérience financière de participer à cette manifestation mais les nombreux abus des organisateurs les poussent à ne plus travailler ensemble. La récente prise de conscience des autorités est un soulagement. Un concours a été lancé, un projet désigné vainqueur et le paysage culturel fribourgeois ne peut être que ravi», peut-on lire sur cette pétition réalisée sur le site «Avaaz, pour les pétitions citoyennes»… 

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