La Liberté

La Jazz Parade devient une zone sinistrée

Marly • Baignés dans l’eau, l’imposant chapiteau et les tentes de la Jazz Parade étaient laissés à l’abandon lundi. Les infrastructures devraient être démontées dès aujourd’hui (mardi), sauf celles qui appartiennent à Jean-Claude Henguely…

Le site est laissé à l’abandon depuis vendredi soir. © Alain Wicht/La Liberté
Le site est laissé à l’abandon depuis vendredi soir. © Alain Wicht/La Liberté

Stéphanie Schroeter

Publié le 08.07.2014

Temps de lecture estimé : 6 minutes

«Mais il est où Jean-Claude?» Stationnée lundi matin devant le site où devait se dérouler la Jazz Parade à Marly, cette Equatorienne est furax. Elle explique en espagnol que Jean-Claude Henguely, l’organisateur de la manifestation annulée par la Préfecture de la Sarine jeudi dernier, lui doit de l’argent, environ 1000 francs, pour le stand qu’elle n’a pas pu tenir. Par conséquent, elle attend depuis des heures que Jean-Claude pointe le bout de son nez.

Une attente qui risque de se prolonger… Le site d’Ilford est désespérément inoccupé, laissé à l’abandon et affiche des allures de zone sinistrée. L’imposant chapiteau est toujours présent ainsi que les petites tentes qui baignent dans l’eau et la boue. Quelques projecteurs traînent ici ou là entre deux bancs et des toilettes mais le gros du matériel technique a été évacué.

Un peu plus loin aux abords du chapiteau, cinq ouvriers de Groupe E sont les seuls à s’activer. «Nous démontons les câbles et nous récupérons le tableau électrique», expliquent les hommes qui affirment n’avoir vu personne travailler sur le site.

400'000 francs de matériel

Quelques minutes plus tard, ils sont rejoints par deux agents issus de l’entreprise mandatée pour assurer la sécurité durant le festival mort-né. Ils viennent rechercher du matériel. «On nous avait demandé d’assurer la sécurité jusqu’à aujourd’hui mais comme nous n’avons jamais été payés et que nous le serons probablement jamais, nous avons décidé en accord avec la préfecture et la police cantonale d’arrêter vendredi passé à 17h. Nous avons essayé de trouver un arrangement avec les organisateurs mais ça n’a pas marché», indiquent les deux agents qui préfèrent taire le nom de leur société. «Nous avons prévu un mois de travail ici et 250 hommes qui devaient se relayer. La perte financière est importante. Nous allons déposer plainte», poursuivent-ils.

Et de raconter ce qu’ils ont vu et entendu durant les jours suivant le décès de la Jazz Parade. «Vendredi soir, il y avait encore pour 400'000 francs de matériel sous le chapiteau! L’entreprise concernée est venue le chercher samedi matin mais durant la nuit de jeudi à vendredi des jeunes ont essayé d’enjamber les barrières…»

Un site qui, depuis le départ des agents, est facilement accessible. «Jean-Claude Henguely est responsable de cette situation mais il n’est pas le seul! On a essayé d’atteindre, sans succès, le président de l’association (du Festival de jazz international de Fribourg, n.d.l.r.). On nous répondait toujours que Monsieur Bernard Berset a 72 ans et qu’il est fatigué…», s’insurgent les agents de sécurité en déplorant un amateurisme impressionnant et une incompétence incroyable. «On a déjà travaillé pour des festivals mais c’est la première fois qu’on voit ça!» 

Mésaventure chinoise…

Et d’évoquer encore la mésaventure de ce ressortissant chinois qui, très remonté, a failli tout détruire sur le site. «Il est allé verser, jeudi en début d’après-midi, ce qu’il devait à Jean-Claude Henguely pour tenir un stand. Or, ce dernier a encaissé les sous sans lui dire que le festival était annulé…»

Des propos que réfute le principal intéressé. «J’ai dit que j’allais lui rembourser les 1500 francs qu’il m’a versés jeudi dernier, ce qui sera fait. Mais pour les 6000 francs qu’il avait déjà payés en mai à l’association, ça ce n’est pas mon problème! Ce montant faisait partie de mon salaire car j’avais dit à l’association, qui parlait alors d’aller en faillite, que je garderais une partie de la location des stands pour assurer mon salaire d’une année estimé à 50'000 francs», justifie Jean-Claude Henguely qui dit s’être rendu à plusieurs reprises hier sur le site avec un gros souci, encore un, celui de l’absence d’électricité pour démonter ses tentes…

*****

Un démontage et une plainte

Où en est le démontage des infrastructures de la Jazz Parade? Pas très loin à en juger par la désertion du site marlinois hier matin… Seuls quelques ouvriers de Groupe E étaient présents afin d’emporter câbles et tableau électrique. La grande partie de l’éclairage et de la sonorisation a déjà été récupérée entre vendredi et samedi par les entreprises concernées. Reste encore à démonter le chapiteau, propriété d’une entreprise allemande ainsi qu’une dizaine de petites et moyennes tentes.

Ces dernières appartiennent à Jean-Claude Henguely que l’on ne présente plus. «Le problème c’est que l’association du festival doit 43'000 francs aux employés qui ont travaillé au montage. Ceux-ci ne veulent pas démonter s’ils ne sont pas payés», explique Jean-Claude Henguely qui est encore confronté à un nouveau problème, depuis l’intervention de Groupe E, celui de l’absence d’électricité nécessaire pour débarrasser le site des tentes.

Réuni lundi, le comité de l’Association du festival de jazz international de Fribourg a versé l’argent aux ouvriers qui devraient, par conséquent, débuter le démontage ce matin. «Oui mais le démontage de tout ce qui n’appartient pas à Jean-Claude Henguely! On ne va pas payer pour quelqu’un qui nous a escroqués!», lâche, un brin énervé, Bernard Berset en ajoutant qu’un avocat sera chargé dorénavant de s’exprimer au nom de l’association.

«Une interview de moi? Pourquoi faire?», poursuit le président de l’association avant de confirmer qu’une procédure sera entamée contre Jean-Claude Henguely qui, selon Bernard Berset «a piqué de l’argent devant les gendarmes pour le mettre dans sa poche.» «C’est toujours facile de déposer plainte quand on n’a rien payé et de rejeter la faute sur l’autre», réagit pour sa part Jean-Claude Henguely.

On l’aura compris, le fascinant match de ping-pong se poursuit entre les deux parties… 

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