La Liberté

«Vivre de sa passion, c’est le bonheur!»

L'invité du lundi • La vie de hockeyeur professionnel de Romain Loeffel exige des sacrifices et a néanmoins du bon. L’arrière de 24 ans, dont le passage de Gottéron à Genève-Servette avait fait du bruit en 2014, l’avoue volontiers. Et raconte…

Romain Loeffel gagne plus que certains patrons, à 24 ans, ce qui ne lui tourne pas la tête. © Vincent Murith
Romain Loeffel gagne plus que certains patrons, à 24 ans, ce qui ne lui tourne pas la tête. © Vincent Murith

Pascal Bertschy

Publié le 19.10.2015

Temps de lecture estimé : 10 minutes

Le hockeyeur est un héros d’aujourd’hui et, on le sait moins, un homme de bonne compagnie. Romain Loeffel, par exemple: le genre de joueur qui éclaire le jeu de son talent et le genre de garçon qui fait plaisir à voir. L’authenticité, le bon sens, la gentillesse, la joie et la simplicité, Romain montre que cela peut exister dans le sport spectacle.

Cet enfant de La Chaux-de-Fonds a débuté à 4 ans sur le lac gelé des Taillères. Vingt ans plus tard, le voilà sous les projecteurs. Avec lui, la lumière vient pourtant du dedans. Il est heureux et ne voit aucun mal à cela. A la veille d’affronter Gottéron avec Genève-Servette, il se raconte. L’ennui n’est pas de la partie…

- Romain, y a-t-il un métier plus exaltant que hockeyeur?

Je ne pense pas. J’ai grandi avec une canne dans les mains et grimpé les échelons un à un, jusqu’au jour où j’ai obtenu mon premier contrat. Tu gagnes tes premiers sous et tu fais soudain cette découverte: pouvoir vivre de sa passion, c’est le bonheur!

- Etre hockeyeur à Genève ou à Fribourg, est-ce du pareil au même?

Sur le plan sportif, oui: tu vis pour le hockey et tu t’entraînes toujours avec une équipe de copains. Ce qui change, c’est le cadre. Entre Fribourg avec sa campagne et Genève avec son lac, tout est différent. Et puis Fribourg vit pour le hockey. A Genève, ville internationale, les gens ne retournent pas en croisant un hockeyeur dans la rue.

- Mais Genève la riche vous réserve parfois des surprises rigolotes…

Oui, des choses qu’on ne vivrait pas ailleurs. Une fois, par exemple, on m’a demandé d’aller jouer vers Thônex chez… un Américain. Avec mes affaires, j’ai débarqué dans sa propriété où ce multimillionnaire possède une patinoire synthétique avec tableau d’affichage et tout. Tu n’y crois pas! Je ne connaissais personne, mais j’ai joué avec les autres invités. C’étaient d’anciens joueurs comme Igor Larionov…

- Sur les bords du Léman, la vie est aussi plus chère qu’à Fribourg…

En quittant Fribourg pour emménager à Gland (VD), je l’ai remarqué déjà avec les assurances et mon loyer qui est passé de 1600 à 3200 francs. En gagnant pareil à Genève qu’à Gottéron, j’ai vu mon pouvoir d’achat diminuer. Bien sûr, je ne suis pas à plaindre. Simplement, quand je vois le prix des loyers dans l’Arc lémanique, je pense aux familles qui ont des revenus modestes ou même «normaux»: comment font-elles pour tourner?

- Vous, les vedettes des patinoires, vous gagnez beaucoup trop: cette remarque, tu l’entends souvent?

Tous les jours. C’est mon papa qui me la répète sans arrêt. En fait, il dit plutôt que nos salaires ne doivent pas nous monter à la tête. Il a raison, mais bon. Je suis tombé dans un système qui est ce qu’il est et je ne suis pas le premier joueur à gagner de l’argent. Mais nous restons très loin des salaires de certains footballeurs…

- Et mettre de côté, tu sais faire?

Ben oui, économiser, c’est le but! Une carrière n’est pas éternelle et viendra un moment où il faudra gratter dans les économies. Le seul luxe que je m’offre, en attendant, c’est une belle voiture.

- Tu viens d’un milieu modeste…

Oui, et j’ai eu ma première paire de patins neuve à 14 ans. J’ai tout fait avec de l’occase, mais je m’en suis sorti. Grâce aux sacrifices de mes parents et parfois aux coups de pouce de proches. A mon avis, tous les joueurs de l’élite peuvent remercier leurs parents. Les miens n’ont jamais compté leur temps et les kilomètres pour me soutenir ou me conduire ici ou là. Ce qui n’allait pas de soi en particulier pour mon père, qui avait des journées interminables avec son travail de boulanger.

- Colin, ton frère cadet, joue de son côté en LNB à Martigny. Pour vous deux, est-ce particulier à vivre?

Avec le rapprochement qu’on fait toujours entre lui et moi, ça ne doit pas être simple dans sa tête. Ce que j’aimerais, c’est qu’il réussisse en ligue B avant d’aller plus haut. Jouer avec mon frère, c’est mon rêve! La vie est drôle, quand même. Nous sommes devenus de vrais frangins, mais jusqu’à 15 ans, je n’aimais pas ce petit frère. Pourquoi, je ne le sais pas, mais je voulais être fils unique…

- Toi qui as vécu de 15 à 23 ans à Fribourg, quel souvenir gardes-tu de ta jeunesse fribourgeoise?

Excellent! Entre le club, mon année linguistique à Guin et mon apprentissage à la banque, je n’ai pas eu le temps de m’ennuyer.

- Où vivais-tu à cette époque-là?

D’abord à Chénens, dans une famille passionnée de sport qui s’était proposée gentiment de m’accueillir. Là je suis tombé amoureux de la fille de ma famille d’accueil, qui avait un an de moins que moi, et les parents ont dit stop. Puis j’ai logé un temps avec d’autres jeunes du club dans un appartement proche de la patinoire, avant de me retrouver de 18 à 21 ans dans une nouvelle famille d’accueil. C’était chez les Cotting de Fribourg, qui m’ont reçu comme un fils…

- Le citoyen Loeffel va-t-il voter?

Rarement. La politique m’intéresse peu. Je me dis que ma voix ne changera rien. Ce raisonnement est stupide, je sais, mais…

- Tu décideras bientôt de la suite de ta carrière. Selon quels critères?

Premier point: est-ce qu’on veut encore de moi à Genève? Après, si j’ai d’autres offres, tout compte, même l’ambiance. Le hockey se vit, alors autant en faire là où c’est chaud, comme à Genève, Fribourg, Lausanne ou Berne, plutôt que là où c’est assez froid…

 

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Bio express de Romain Loeffel

L’arrière qui va de l’avant

> Naissance le 10 mars 1991.
> A passé son enfance à La Chaux-de-Fonds, sa ville natale, où papa Philippe est boulanger-pâtissier et maman Christine bibliothécaire.
> A un frère, Colin, et une sœur, Florine.
> Vit à Gland (VD) avec Laura, sa compagne vulliéraine.
> Est hockeyeur professionnel et a quitté La Chaux-de-Fonds à 15 ans pour rejoindre Fribourg-Gottéron, où il a passé huit saisons.
> Est également employé de commerce (apprentissage fait à la BCF à Fribourg).
> Joue depuis février 2014 à Genève-Servette, avec qui il a gagné la Coupe Spengler 2015, ainsi qu’en équipe de Suisse.
> Vient de se mettre au golf avec des potes, «des brêles du même niveau que moi»…

 

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Romain Loeffel en fines rondelles

> Une qualité qu’il pense avoir: «Le calme, mais aussi la bonne humeur.»

> Un défaut qu’il est sûr d’avoir: «Je suis trop calme, d’après ma copine. Mais, sur la glace, je suis tellement pris par le jeu que je m’énerve un peu trop contre les arbitres…»

> La gourmandise qui le fait fondre: «Le chocolat au massepain.»

> Sa boisson fétiche: «Le jus de pruneaux.»

> Un pays où il pourrait vivre: «Je suis très content de ma petite Suisse.»

> Une série télé culte: «The Blacklist.»

> Une belle femme: «J’ai toujours aimé Natalie Portman. Sinon, il y a aussi ma copine…»

> Quelqu’un qu’il admire: «Sandy Jeannin, parce que ce grand joueur a toujours été là pour moi. Il ne m’a jamais fait de monstres théories, à Fribourg, mais m’a toujours glissé le petit mot qu’il fallait (en signe d’amitié, Romain porte aujourd’hui le «58» qui fut naguère le numéro de Sandy Jeannin, ndlr).»

> Son champion toutes catégories: «C’est banal à dire, mais qui d’autre que Federer?»

> Un hockeyeur qui l’emballe: «Johan Fransson (Genève-Servette). Il est très fort et c’est un gars génial en dehors de la glace…»

> Une bête noire: «Les Davosiens, qui sont les Speedy Gonzalez de la ligue et n’ont pas les mêmes poumons que tout le monde. Côté joueurs, je ne suis pas fan de Timo Helbling.»

> Un souvenir d’enfance: «Le Doubs gelé, en hiver, avec les parties de hockey à n’en plus finir et les stands de marrons chauds.»

> Ce qui a le don de l’énerver: «Dès que je prends le volant, les autres automobilistes…»

> Ce qui le fait toujours rire: «Les blagues bidons qui circulent dans le vestiaire et qu’on ne pourrait pas raconter à sa copine ou aux parents. Les gros gags de vestiaires, dans le hockey, ce n’est pas qu’une légende…»

> Ce qui l’effraie le plus: «Les araignées.»

> Ce qui le réjouira toujours: «Se lever le matin, pour moi, c’est déjà une joie. Peut-être pas dans les cinq premières minutes, mais une fois passé ce cap, je suis toujours heureux de voir un nouveau jour commencer.» PBy

 

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Le hockeyeur face à son avenir

Un retour à Fribourg? Envisageable…

Loeffel avec Goran Bezina sous le maillot de Genève-Servette, où il se plaît beaucoup et où son contrat se terminera à la fin de la saison. La suite? «Elle me trotte dans la tête et j’y réfléchis, sans fermer aucune porte.» Un retour à Fribourg? «Envisageable», répond le défenseur, que son équipe actuelle aimerait garder et que d’autres clubs seraient heureux de recruter…

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