La Liberté

Des élèves bullois au cœur du drame

Fusillade à Ottawa • Quatorze élèves du Collège du Sud et deux profs se trouvaient au Parlement canadien, mercredi, quand la fusillade a éclaté. Ils sont sains et saufs. Un soldat et un suspect tués. Un des étudiants fribourgeois témoigne.

Louis Ruffieux

Publié le 23.10.2014

Temps de lecture estimé : 7 minutes

Ils avaient rendez-vous hier matin à 9 h (heure locale) au Parlement canadien à Ottawa, pour le visiter. Quelques minutes plus tard, ils étaient au cœur du drame. Les quatorze étudiants de troisième année du Collège du Sud à Bulle, élèves de l’Ecole de commerce, de l’Ecole de culture générale et du gymnase, ont vécu la fusillade et la panique qui s’en est suivie dans la capitale canadienne.

A l’heure où nous mettions sous presse hier soir, le bilan de cette attaque au cœur du pouvoir canadien était de deux morts. Un soldat, qui montait la garde devant un monument aux morts, et un assaillant armé ont été tués.

Réfugiés dans la chapelle

Avec les deux enseignants qui les accompagnaient, les étudiants bullois ont pu se réfugier dans la chapelle du parlement. Hier soir (mercredi), à 23h15, ils y étaient toujours. «Nous attendons toujours l’autorisation de sortir. On sait que nous ne risquons plus rien. Tout le monde attend impatiemment de pouvoir manger», raconte Samuel Bonvin, que nous avons pu contacter sur place.

A quelques minutes près, les étudiants se seraient retrouvés face à face avec les tireurs. «Nous venions de terminer la visite du parlement. Nous pouvions soit sortir, soit aller visiter la tour du parlement. Nous avons choisi la tour.»

L’étudiant poursuit son récit: «Nous étions en train de monter quand le premier coup de feu a retenti. Nous avons d’abord cru que c’était un objet qui était tombé. Puis rapidement, on a vu que c’était plus grave. On a entendu des cris et de nouveaux coups de feu. Des agents de sécurité nous ont demandé de rentrer dans la chapelle, grande comme une salle de classe.»

A partir de ce moment, et pendant deux à trois heures, les seules informations que les jeunes avaient étaient celles qui venaient de Suisse, grâce à des contacts avec les parents. «Et de temps en temps, l’agent de sécurité, qui recevait des renseignements par son oreillette, nous les communiquait. Nous étions en état de choc. On voyait bien que c’était le chaos», raconte Samuel Bonvin.

Heures d’angoisse à Bulle

Comme les parents, le recteur du Collège du Sud a connu des heures particulièrement pénibles, entre informations obtenues au compte-gouttes et incertitudes. «Nous avons reçu un téléphone d’une maman d’élève à 16 h 35, soit environ trente minutes après le début de la fusillade», raconte François Genoud. «Elle avait reçu un message de son enfant. Nous avons cherché à atteindre les enseignants, puis averti la DICS (Direction de l’instruction publique), qui est entrée en contact avec le Département fédéral des affaires étrangères.»

Cellule de crise à Berne

Le recteur poursuit: «Le DFAE a créé une cellule de crise, contacté l’ambassade de Suisse et mis en place une «help line». Les informations que nous recevions par le truchement des messages des élèves adressés à leurs parents étaient fort variables. De notre côté, nous suivions les infos sur CNN et d’autres sites. Quand la zone a été sécurisée, nous avons pu entrer en contact avec un professeur. Ils étaient en confiance, mais la situation est restée longtemps très tendue.»

Les étudiants et les deux professeurs étaient censés dormir hier soir dans une auberge de jeunesse proche du centre commercial qui a également fait l’objet d’une fusillade. «Par le biais du DFAE et de l’ambassade de Suisse, un autre logement a pu être trouvé. Les élèves rejoindront un hôtel, à trente minutes de route. Tout va bien pour eux», explique le recteur, qui a contacté tous les parents. Ces heures d’angoisse furent évidemment aussi les leurs.

Il s’agissait du dernier jour du voyage d’études des collégiens de Bulle, qui rentreront en Suisse demain. Les liens entre l’établissement gruérien et des collèges canadiens ont été noués en 2006. Chaque année, en octobre, des élèves fribourgeois partent deux semaines au Canada (une semaine prise sur le temps de l’école, l’autre sur les vacances). Sur place, ils sont accueillis dans des familles.

Le voyage comporte des volets économique, culturel et politique, dont la connaissance des institutions. La visite du Parlement canadien à Ottawa s’inscrivait dans ce contexte. Au début de chaque année, ce sont des étudiants canadiens qui viennent en Suisse. Ils sont également hébergés dans des familles. Et ils visitent le Parlement fédéral.

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«Les policiers criaient de se mettre à couvert»

Un assaillant armé a été abattu dans les locaux du Parlement canadien à Ottawa, hier au cours de la fusillade, alors que le premier ministre Stephen Harper participait à une réunion avec des élus dans une pièce voisine. L’attaque a coûté la vie à un soldat.

Selon différents témoignages, un ou plusieurs tireurs ont d’abord fait feu sur l’un des deux soldats stationnés devant le monument aux morts, avant de s’emparer d’un véhicule officiel pour approcher des portes du parlement, un périmètre réservé aux véhicules autorisés et de police.

Un à trois assaillants se seraient ensuite rués à l’intérieur du bâtiment central où siègent les députés et sénateurs. Peu après, une forte détonation a été entendue, aussitôt suivie d’un tir nourri des policiers, selon une vidéo d’un journaliste du «Globe and Mail» présent dans l’enceinte.

«Un homme est entré dans le parlement en courant. Il était poursuivi par des policiers armés de fusils qui criaient à tout le monde de se mettre à couvert», a raconté Marc-André Viau, un employé du parlement qui estime avoir dénombré «une vingtaine de coups de feu» tirés dans l’enceinte. Les échanges de coups de feu ont duré «quelques minutes», a souligné le sénateur Pierre-Hugues Boisvenu.

La police canadienne a confirmé qu’un soldat avait été tué près du Mémorial de la guerre, malgré les massages cardiaques rapidement effectués par les services de secours. Elle a aussi indiqué qu’un homme armé, qui serait l’auteur des coups de feu, avait été abattu dans les locaux du parlement. Le ministre du Travail Jason Kenney a ajouté qu’un garde de sécurité du parlement avait été blessé. L’hôpital d’Ottawa a admis trois personnes, dont deux sont dans un état stable après la fusillade.

La police a précisé qu’elle était à la recherche d’autres suspects. La population a été appelée à se tenir à l’écart du centre-ville. Les habitants du centre d’Ottawa ont reçu pour consigne de s’éloigner des fenêtres car, selon la Gendarmerie royale du Canada, un tireur s’est «probablement» retranché sur le toit du parlement.

Selon des médias locaux, les bases militaires du pays ont été fermées hier et les militaires ont reçu l’ordre de rester confinés, sans uniformes. Face à cette attaque inédite dans l’histoire canadienne, la défense aérienne américano-canadienne (Norad) a été placée en état d’alerte. ATS/AFP/REU

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