La mise à mort du couple de chrétiens n'aurait rien à voir avec une profanation du Coran
Pakistan • La mort de Shahzad Masih (26 ans) et de son épouse Shama Bibi (24 ans), le 4 novembre, n’est liée en aucune façon à un soi-disant délit de profanation du Coran. Cette accusation aurait été montée de toutes pièces. Explications.
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Ce n'est qu'une rumeur, infondée selon la Commission des droits de l’homme du Pakistan (HRCP), qui a mené une foule en colère à lyncher les deux chrétiens en les brûlant vifs dans le four de la briqueterie où ils travaillaient, indique l'agence d'information «Eglises d'Asie».
Selon Nadeem Anthony, de la Commission des droits de l’homme du Pakistan (HRCP), un organisme indépendant, la mort du couple est dû au fait que Shahzad Masih était endetté auprès du propriétaire de la briqueterie où il travaillait depuis plusieurs années, une dette d’un montant approximatif de 100'000 roupies (environ 1200 francs). Celui-ci avait peur que Shahzad Masih prenne la fuite sans rembourser son dû.
La crainte du propriétaire serait due au fait que le père de Shahzad venait de décéder après avoir travaillé vingt ans à son service et que ce décès aurait pu donner l’idée à son fils de partir ailleurs chercher un sort meilleur. Le jeune couple aurait alors été enfermé pour empêcher toute fuite et l’histoire de la profanation du Coran aurait été montée de toutes pièces, provoquant l’issue funeste que l’on connaît.
A l’AFP, Iqbal Masih, un frère de Shahzad Masih, a expliqué que sa famille «empruntait de l’argent au propriétaire et travaillait en retour pour lui» et que «cela durait ainsi depuis des années». «Le 3 novembre, le propriétaire a appelé Shahzad et l’a enfermé, de peur qu’il ne s’enfuie pour sauver sa vie», a poursuivi ce proche parent en pleurs.
Des travailleurs endettés proches de l'esclavage
Ces informations jettent une lumière crue sur les conditions de vie faite aux citoyens de seconde zone que sont les chrétiens dans ce pays, le plus souvent cantonnés à des tâches d’éboueur-balayeur-vidangeur ou aux métiers réservés à ceux qui n’ont rien d’autre que leur force de travail à offrir. Dans les briqueteries, il n’est pas rare que les travailleurs et leurs proches, endettés auprès des propriétaires de celles-ci, vivent dans des conditions proches de l’esclavage, dénonce Eglises d'Asie.
Selon l’agence catholique Fides, le ministre-président de la province du Pendjab a rendu visite aux familles des deux époux brûlés vifs le 4 novembre dernier à Kot Radha Kishan. Il leur a promis un dédommagement de dix millions de roupies (environ 120'000 francs) et un terrain de dix hectares. Des montants considérables pour des familles qui n’avaient quasiment rien.
Au Pakistan, la pratique qui voit des pauvres s’endetter pour se trouver pieds et mains liés à leur employeur est en principe interdite par la loi, mais ce cercle vicieux est fréquent et les organisations spécialisées dénombrent entre un et cinq millions de personnes ainsi réduites à un quasi-esclavage. Le plus souvent, cet état devient héréditaire, les parents n’ayant pas les moyens d’envoyer leurs enfants à l’école.
Pour changer d’employeur, les chefs de famille n’ont d’autre recours que de rembourser leur dette en empruntant auprès d’un nouvel employeur auprès duquel ils se trouvent à nouveau en situation de dépendance. Dans le pays, on les appelle «les piliers de la construction». Ils fabriquent des briques du matin au soir pour nourrir le secteur du bâtiment et la croissance économique du pays.