La Liberté

Le geste symbolique du pape

Centrafrique Le pape François a achevé hier son périple en Afrique par la visite de la mosquée centrale de Bangui, symbole des massacres intercommunautaires.
Le pape a célébré la messe dans le stade Barthélémy Boganda d’une capacité de 30000 places.
Le pape a célébré la messe dans le stade Barthélémy Boganda d’une capacité de 30000 places.
Publié le 01.12.2015

Temps de lecture estimé : 3 minutes

Le pape François a franchi hier un pas hautement symbolique dans sa démarche de réconciliation en Centrafrique. Il s’est rendu au dernier jour de son périple africain à la mosquée centrale de Bangui, dans le quartier du PK-5, théâtre d’atrocités pendant les massacres intercommunautaires de la fin 2013. «Chrétiens et musulmans sont frères», et il faut dire «non à la vengeance, à la violence et à la haine», a-t-il lancé à son arrivée.

Et quelques heures plus tard, tout aussi symboliquement, deux pick-up remplis de musulmans portant des tee-shirts à l’effigie de François ont débarqué au grand stade de Bangui pour assister à la messe aux côtés du pape. Alors qu’aucun musulman ne s’aventure d’habitude dans ce quartier chrétien, ils ont fendu la foule sous les acclamations et les applaudissements de fidèles criant: «C’est fini la haine!»

Une rencontre sous haute sécurité

Dans l’enclave du PK-5, où sont réfugiés les derniers musulmans de Bangui en proie à des violences communautaires, le pape a été reçu par le grand imam Nehedi Tidjani, en présence de délégations catholiques et protestantes. François s’est adressé aux centaines de personnes, dont des déplacés, venues l’accueillir dans l’enceinte de la mosquée, dans une ambiance détendue, mais placée cependant sous haute sécurité avec des casques bleus postés sur les minarets. Le PK-5 fait habituellement l’objet d’un harcèlement et d’un blocus de la part des miliciens chrétiens antibalakas.

Le ministre des Finances et du budget Abdalah Kafré Hassane, un musulman, a appelé de ses vœux l’arrivée d’une «cohésion sociale» pour que «les musulmans ne soient plus bloqués dans leur enclave». Aux abords du quartier, aux entrées des ruelles en terre rouge, des groupes d’autodéfense armés devant des barricades veillaient.

Pour le pape, cette visite emblématique était l’occasion de souligner qu’il ne fallait pas confondre la religion et un conflit où la religion sert de prétexte à des intérêts particuliers. En clair, pour l’Eglise, le conflit centrafricain est politique, même si des miliciens des deux religions s’opposent. «Nous sommes très fiers de le recevoir. Le pape n’est pas là uniquement pour les chrétiens il est le serviteur de Dieu pour tous les Centrafricains», estimait le porte-parole des déplacés, Ibrahim Paulin.

Dehors, des milliers d’habitants saluaient chaleureusement le cortège papal, qui s’est ensuite dirigé vers le stade Barthélémy Boganda, d’une capacité d’environ 30 000 places pour y célébrer une messe. Aux abords du stade, une foule compacte attendait le Saint-Père. Elle n’a pas pu entrer dans l’enceinte mais un écran géant retransmettait la cérémonie. C’est là que, juste avant l’arrivée du pape, ont débarqué ces musulmans en tee-shirts à l’effigie de François, sous les vivats de la foule.

«Jusqu’à quand l’impunité va-t-elle prévaloir et les crimes servir de gages d’ascension et de promotion sociale en Centrafrique?», s’est interrogé l’archevêque de Bangui, Mgr Dieudonné Nzatalainga au cours de la messe. Cette question de l’impunité abordée devant des dizaines de milliers d’habitants reste centrale dans un pays dévasté par les violences, dépourvu d’une police et d’un système judiciaire efficaces.

Cette étape à Bangui était un véritable pari pour François, vu le contexte sécuritaire. Le pape a été souvent accueilli avec ferveur par une population désespérée. Mais les haines sont toujours présentes. Il a semblé très énergique dans ses nombreuses exhortations à un retour à l’humanité, loin de la spirale infernale des vengeances. En outre, il a appelé tous les Centrafricains à «ne pas avoir peur» de l’autre, en fonction de sa religion ou de son ethnie, et d’oser pardonner.

François a quitté Bangui à la mi-journée pour Rome après ses trois étapes en Afrique, au Kenya, en Ouganda et en Centrafrique. AFP

Articles les plus lus
Dans la même rubrique
La Liberté - Bd de Pérolles 42 / 1700 Fribourg
Tél: +41 26 426 44 11