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Macron met Merkel sous pression

Devant le Bundestag, le président français a appelé hier à une refondation de l’Europe

Publié le 19.11.2018

Temps de lecture estimé : 3 minutes

France-Allemagne » Emmanuel Macron a mis hier la pression sur Angela Merkel en demandant une refondation de l’Europe face au risque de «chaos mondial». A six mois des élections européennes, les sondages promettent une forte poussée nationaliste. «L’Europe et en son sein le couple franco-allemand se trouvent investis de l’obligation de ne pas laisser le monde glisser dans le chaos.» Et pour cela «l’Europe doit être plus forte, plus souveraine», a déclaré le chef de l’Etat français dans un discours prononcé devant la Chambre des députés allemands à Berlin.

«L’Europe ne pourra pas jouer son rôle si elle devient le jouet de puissances et se contente d’un second rôle sur la scène mondiale», a ajouté M. Macron. Il s’est rendu dans la capitale allemande pour une journée de commémoration des victimes des guerres.

Prendre des risques

La chancelière allemande Angela Merkel, avec qui le chef de l’Etat français s’est entretenu, a approuvé l’idée que l’Europe «se trouve à la croisée des chemins». Elle doit définir «son rôle» sur le plan mondial. Mais derrière le front uni affiché par les deux dirigeants, le discours de M. Macron a aussi résonné comme une critique implicite face à ce que de nombreux responsables français considèrent en privé comme les atermoiements et hésitations de l’Allemagne depuis plus d’un an sur le sujet.

«Est-il préférable de rester enfermé dans nos immobilismes?», a tancé M. Macron, qui a fait de la relance du projet européen un des sujets phares de son mandat. Face au défi du populisme, il faut «prendre de nouveaux risques», «surmonter nos tabous et dépasser nos habitudes», a-t-il dit.

Budget européen

Sur les questions de défense commune au moins, la France et l’Allemagne affichent un front uni. Tant Emmanuel Macron qu’Angela Merkel soutiennent l’idée à terme d’une armée européenne, en dépit des vives critiques du président américain Donald Trump, qui y voit une concurrence pour l’OTAN.

Sur les autres sujets, l’harmonie franco-allemande est moins évidente. C’est le cas par exemple d’un autre dossier prioritaire d’Emmanuel Macron, la création d’un budget de la zone euro pour soutenir l’investissement, qui doit être discuté aujourd’hui lors d’une réunion des ministres des Finances à Bruxelles. Après des mois de tractations, Paris et Berlin se sont certes mis d’accord vendredi sur un cadre général sur ce budget, mais pas sur son montant, qui reste non défini, alors qu’Emmanuel Macron espérait à l’origine l’abonder de plusieurs centaines de milliards d’euros.

Le chef de l’Etat français y a fait allusion en soulignant que «la nouvelle étape» qu’il appelle de ses vœux en Europe «nous fait peur car chacun devra partager, mettre en commun (...) une part croissante de son budget et même des ressources fiscales». Il a invité l’Allemagne et la France à faire dans ce domaine chacune un pas vers l’autre, la première très attachée au respect des règles qui rassurent et la deuxième qui tend parfois à s’en méfier et à vouloir les «contourner».

Tension sur les Gafa

Paris et Berlin divergent actuellement sur un autre projet porté en Europe par Emmanuel Macron, la taxation des géants de l’internet, les Gafa. La France voudrait qu’une décision soit prise par l’Union européenne dès décembre, et a récemment averti qu’un refus de l’Allemagne serait perçu comme «une rupture de confiance».

Angela Merkel, elle, craint un retour de bâton des Etats-Unis contre les entreprises allemandes et préfère repousser toute initiative européenne à 2021. Un responsable de son parti conservateur, pourtant considéré comme un proche de la chancelière, Armin Laschet, a admis ce week-end dans le Spiegel que son pays était trop «hésitant» sur l’Europe. Il l’a appelé à être «plus enthousiaste» et à avoir une vision «moins comptable». Mais la chancelière est en fin de cycle politique. Face aux critiques croissantes contre sa politique migratoire, elle a été contrainte d’amorcer son retrait politique. ATS

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