La Liberté

Pierre Krähenbühl jette l’éponge

Mis en cause, le Suisse quitte la tête de l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA)

Publié le 07.11.2019

Temps de lecture estimé : 4 minutes

Proche-Orient » Le Suisse Pierre Krähenbühl, commissaire général de l’Agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA), a «démissionné avec effet immédiat», a annoncé hier le porte-parole de l’ONU. Il est mis en cause par une enquête interne pour abus de pouvoir.

Interrogé hier soir au 19.30 de la RTS, Pierre Krähenbühl a estimé que sa démission, six ans jour pour jour après sa nomination, rendait les choses «plus claires» dans «un contexte hyperpolitisé». «Il fallait un choc psychologique», a-t-il ajouté.

«J’ai rejeté toutes les accusations (contre moi) depuis le début et je continue à le faire», a précisé le Suisse, qui s’est dit «très touché par ces allégations».

Sa démission survient alors que l’Assemblée générale de l’ONU doit prochainement renouveler pour trois ans le mandat de l’UNRWA, malgré la vive opposition des Etats-Unis, qui estiment que cette agence n’est plus adéquate.

Soutien à l’agence

L’ONU avait annoncé plus tôt que Pierre Krähenbühl avait été suspendu de ses fonctions et qu’elle avait nommé un nouveau responsable pour gérer l’agence, Christian Saunders, en attendant un nouveau commissaire général.

«Le secrétaire général (Antonio Guterres, ndlr) réaffirme son soutien à l’UNRWA pour son excellent travail, essentiel pour le bien-être des réfugiés palestiniens», a précisé le porte-parole de l’ONU Stéphane Dujarric. «Il est vital en ce moment que les Etats membres et les autres partenaires restent impliqués dans l’UNRWA et dans les services qu’elle fournit», a poursuivi le porte-parole.

Fin juillet, un rapport du département éthique de l’UNRWA faisait état de mauvaise gestion et d’abus de pouvoir commis par un petit groupe de hauts responsables, qui auraient contourné les mécanismes de contrôle de l’ONU.

L’AFP s’était procuré une copie du rapport, qui décrit comme «crédibles et corroborés» de graves abus éthiques commis par de hauts dirigeants, dont Pierre Krähenbühl.

Parmi les accusations figuraient celles «d’agissements à caractère sexuel inappropriés, népotisme, représailles, discriminations et autres abus d’autorité, (commis) à des fins personnelles, pour réprimer des divergences d’opinions légitimes», selon le rapport.

Pierre Krähenbühl aurait lui-même noué une relation amoureuse avec sa conseillère principale, nommée en 2015, après un processus de recrutement «extrêmement rapide», précisait le document. Relation que l’intéressé a démentie hier soir.

«Problèmes de gestion»

Les résultats préliminaires de l’enquête «ont révélé des problèmes de gestion qui concernent spécifiquement le commissaire général», a indiqué l’UNRWA. Ils «excluent» toute «fraude» ou «détournement de fonds» par M. Krähenbühl, avait précisé hier matin dans un communiqué Antonio Guterres.

Fondée en 1949, l’UNRWA fournit une aide à des millions de réfugiés palestiniens en Jordanie, au Liban, en Syrie et dans les Territoires palestiniens.

Israël et les Etats-Unis s’opposent à ce que les Palestiniens puissent transmettre le statut de réfugié à leurs enfants, souhaitant ainsi réduire le nombre de personnes bénéficiant d’une aide de l’UNRWA, ce que les Palestiniens dénoncent comme une violation de leurs droits.

Plus de 700 000 Palestiniens ont été expulsés ou ont fui leurs terres entre avril et août 1948, au moment de la création d’Israël, selon l’ONU. Ces personnes, ainsi que leurs descendants, ont le statut de réfugiés.

Propos de Cassis fustigés

En 2018, Washington a mis fin à son aide financière annuelle de 300 millions de dollars à l’UNRWA. Le modèle de l’UNRWA «n’est pas durable», a affirmé hier Israël. «La communauté internationale doit trouver un nouveau modèle pour fournir une aide à ceux qui en ont vraiment besoin» et en finir avec cette idée «futile d’un retour des réfugiés», insiste Tel-Aviv dans un communiqué.

La Suisse a de son côté annoncé cet été qu’elle suspendait toute contribution additionnelle à l’agence onusienne pendant la durée des investigations. Les Pays-Bas ont fait de même.

Le Conseil fédéral a promis un rapport cette année sur les liens avec l’agence. Lors d’un voyage au Proche-Orient l’an dernier, le conseiller fédéral Ignazio Cassis avait laissé entendre que Berne pourrait aider davantage les institutions des Etats qui accueillent des réfugiés palestiniens plutôt que l’UNRWA, avant une clarification du gouvernement.

«Si écoles de l’UNRWA devaient fermer, où iraient étudier leurs élèves?» a questionné Pierre Krähenbühl hier soir. «280 000 élèves seraient transférés dans les écoles du Hamas», a-t-il répondu. ats/afp

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