La Liberté

Quand l’arrivée des migrants devient une attraction payante

L’opérateur Projects Abroad vend un séjour «humanitaire» sur les côtes calabraises où échouent des migrants à bout de souffle.  Pour qui veut, à 2000 euros «seulement» et sans le billet!

Des migrants arrivent par centaines sur les plages de Calabre. © Keystone (photo d'illustration)
Des migrants arrivent par centaines sur les plages de Calabre. © Keystone (photo d'illustration)

Laurence D'Hondt

Publié le 12.09.2016

Temps de lecture estimé : 3 minutes

L’arrivée des migrants débarquant sur les plages de Sicile ou de Calabre n’est plus seulement une préoccupation humanitaire, médiatique ou éthique: elle est devenue également l’occasion de faire des gains sous l’étiquette lucrative du volontourisme.

En alliant tourisme et aide au développement, le volontourisme est une forme de voyage qui a le vent en poupe. «Il s’est développé dans le sillage d’une certaine lassitude engendré par le tourisme normal», explique Pierre de Hanscutter, fondateur de l’association Service Volontaire International (SVI).

 «Il surfe sur la vague des catastrophes, cherchant celles qui suscitent un élan de solidarité ou une émotion internationale comme le tremblement de terre au Népal pour envoyer leurs clients au chevet des victimes», poursuit-il.

2015 euros, billet non compris

Depuis quelques semaines, une destination nouvelle est arrivée sur le marché du volontourisme: la Calabre. L’organisateur de ce voyage sur les plages de Calabre où débarquent des migrants exténués, est le plus contesté des opérateurs de ce nouveau genre : Projects Abroad.

Un coup de fil à cet opérateur pour savoir ce qu’il faut comme qualification pour partir, suffit pour comprendre que tout le monde est le bienvenu, pourvu qu’il paye. L’envoi d’un CV, un contact avec le partenaire local qui donnera son accord en quelques jours, quelque 2015 euros à payer pour un séjour de deux semaines, billet d’avion non compris (!) et les «vacances constructives et solidaires» du jeune sont organisées.

Italien pas obligatoire

Pour ce tarif, le jeune sera hébergé en famille d’accueil ou en logement partagé et accompagnera les migrants «dans leurs démarches administratives et dans l’évaluation de leur état de santé», selon les explications au téléphone d’une ligne sans cesse coupée, car le standardiste avoue être en Afrique du Sud et travailler pour le compte d’une société anglaise.

A la question de savoir si l’accompagnement des démarches administratives ne requièrent pas quelques connaissances des étapes de la procédure de demande d’asile, l’opérateur assure qu’il n’y a pas de problème. Plus étonnant encore: il n’est pas nécessaire de connaître l’italien!

Un prix injustifiable

«Un jeune de 18 ans peut donc en toute bonne conscience, demander d’où vient le migrant, ce qu’il a vécu, ce qu’il a traversé, pourquoi il vient, etc», s’indigne le fondateur de SVI. «La détresse de l’autre devient l’occasion d’une rencontre indécente, monétisée par un opérateur qui s’en met plein les poches».

En effet, si l’on fait une rapide évaluation des frais, on ne peut que s’apercevoir que le prix demandé est totalement surestimé : 2000 euros payés pour un séjour à la dure, dans un logement partagé ou en famille d’accueil est injustifiable. «Le pire est que prix élevé pour le client la garantie que le voyage vaudra la peine!».

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