L’abbaye de Saint-Gall exalte ses trésors

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Patrimoine » Le plus remarquable évangéliaire du haut Moyen Age, couvert d’extraordinaires tablettes en ivoire sculpté! Le seul livre de vœux issu de l’époque carolingienne encore existant! Le plus ancien plan d’architecture du Moyen Age européen! Les superlatifs ne manquent pas, s’agissant des trésors dévoilés dans l’ancienne abbaye de Saint-Gall à la faveur des 1300 ans de la vénérable institution.

Pour marquer cet anniversaire prestigieux, la bibliothèque de l’abbaye (Stiftsbibliothek) n’a pas lésiné sur la dépense. Elle vient d’inaugurer ce printemps deux nouvelles expositions permanentes somptueuses dans ses sous-sols voûtés et au rez-de-chaussée de son bâtiment des archives, pour un coût total avoisinant les six millions de francs. Et elle propose une exposition d’été (jusqu’au 17 novembre) dans son éblouissante bibliothèque baroque, à visiter patins de parquet aux pieds.

Otmar le fondateur

Ces trois expositions complémentaires évoquent la riche histoire du site, de l’arrivée du moine irlandais Gallus, qui établit son ermitage près d’une cascade de la Steinach vers 612, à la dissolution de l’ancienne principauté abbatiale de Saint-Gall, en 1805. La riche couverture en ivoire de l’Evangelium Longum, réalisé vers l’an 895 par les moines saint-gallois Sintram et Tuotilo, rappelle encore la légende de saint Gall, qui avait fait un pacte avec un ours, lui offrant du pain en échange de sa tranquillité.

Le présent anniversaire fait référence à la fondation de l’abbaye en 719 par l’abbé Otmar, originaire d’Alémanie et formé à Coire. L’initiative revient au souverain local, le seigneur foncier et tribun d’Arbon Waltram. Otmar réanime la communauté monastique fondée par Gallus et fait bâtir un hospice pour les pauvres ainsi qu’une léproserie.

Aux premiers moines qui l’accompagnent s’ajoutent des Alamans issus de la noblesse locale. Pas moins de 53 personnes prononcent leurs vœux sous son abbatiat. La règle bénédictine est adoptée en 747, scellant le renouveau religieux de la communauté. Mais en 759, l’abbé Otmar, qui se plaint de confiscations de terres par les comtes francs, est arrêté et exilé à Werd, une île du Rhin près d’Eschenz (TG), où il mourra en prison. «Otmar a été victime d’un procès exemplaire parce qu’il a osé résister à l’avancée des Carolingiens et a fait de son monastère un lieu de résistance alaman. Officiellement, on l’a accusé d’avoir eu une relation avec une femme, ce qui était évidemment faux», raconte Cornel Dora, bibliothécaire abbatial.

Le monastère n’en connaîtra pas moins un âge d’or aux IXe et Xe siècles, introduisant d’emblée un classement raisonné de ses chartes et documents juridiques, dont l’Acte de Beata de 745, qui est probablement la pièce la plus ancienne encore en possession de la bibliothèque. Il conservera également de précieux témoignages des débuts de la transmission musicale écrite. Et accumulera, au fil des siècles, une collection parmi les plus prestigieuses d’Europe, riche de près de 160 000 ouvrages, dont 2100 manuscrits du VIIIe au XVe siècle et 1650 incunables.

Avec Fribourg

Ce trésor intellectuel est désormais aussi mis en valeur par le programme e-codices, une plateforme numérique pour les manuscrits médiévaux réalisée en collaboration avec le professeur Christoph Flüeler de l’Université de Fribourg. «Ce professeur sera nommé membre d’honneur de la Stiftsbibliothek lundi prochain», se réjouit Cornel Dora, soulignant l’excellente collaboration entre les deux institutions. A noter que dimanche prochain, le 9 juin, le site saint-gallois participera à la Journée du patrimoine mondial de l’Unesco.

(legende)La bibliothèque de Saint-Gall, dans toute sa splendeur baroque rococo, accueille une exposition d’été sur l’abbé Otmar, fondateur en 719 de l’abbaye de Saint-Gall sur le site du tombeau du moine irlandais. A gauche, la figure d’Otmar, tenant un tonneau comme attribut (v. 1430). Au centre, un détail de l’Evangelium Longum (v. 895) évoquant la légende de Gall et de l’ours. En bas, des chants pour la fête d’Otmar (1691). Stiftsbibliothek St. Gallen

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Un plan d’architecture exceptionnel

Trésor national unique, le plan d’architecture moyenâgeux du couvent de Saint-Gall a désormais droit à un show de star.

Unique croquis architectural subsistant du haut Moyen Age, le Plan de Saint-Gall ne peut être vu que durant 20 secondes, lors d’un show multivision mettant en lumière sa valeur historique exceptionnelle. Sa (brève) découverte n’en vaut pas moins à elle seule le déplacement.

Réalisé vers 825 par des clercs du couvent de Reichenau, à la demande de l’abbé Gozbert de Saint-Gall, le document représente un complexe monastique bénédictin complet, mais seulement sous forme assez «conceptuelle», comme un modèle, même s’il y a déjà des références au site de Saint-Gall, notamment aux autels et au tombeau du moine irlandais. Le plan est dédicacé par l’abbé Heito de Reichenau, qui était également l’évêque de Bâle.

Répondant aux multiples exigences d’une grande abbaye carolingienne, le plan prévoit en son centre une abbatiale et un cloître. Et tout autour, de nombreux bâtiments de fonction: école et noviciat, scriptorium et bibliothèque, hospice et infirmerie, dortoirs pour les moines, hôtellerie pour les voyageurs et les pèlerins, réfectoire communiquant avec cuisine, boulangerie et brasserie, écuries et étables, jardins potager et médicinal et cimetière.

Dessiné à l’encre sur cinq pièces de parchemin cousues, ce grand plan de 113 cm sur 78 ne s’est pas concrétisé. Mais il a pu inspirer les moines pour la construction, dès l’an 830, d’une nouvelle basilique et de bâtiments conventuels. PFY