La Liberté

L’armée européenne face à l’OTAN

Gilbert Casasus

Publié le 20.08.2019

Temps de lecture estimé : 3 minutes

Opinion

Evoquée dès novembre dernier par Ursula von der Leyen, l’idée d’une «armée des Européens» fait son chemin. Sans l’avoir expressément reprise lors de son discours du 16 juillet devant le Parlement européen, la future présidente de la Commission de l’Union européenne a néanmoins mentionné les accords de politique de sécurité et de défense commune. Précisant dans son élan oratoire que les pays membres «demeurent transatlantiques et doivent devenir en même temps plus européens», elle a réaffirmé son attachement à l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) qui restera «la pierre angulaire de notre défense commune».

Cette déclaration n’a surpris personne. Conforme à la position de la Commission, elle souligne l’engagement de l’UE à développer une politique européenne de la défense, sans pour autant remettre en cause l’appartenance de ses 22 Etats sur 27, Grande-Bretagne exceptée, à l’OTAN. Voulant concilier la fidélité à cette organisation et le besoin de doter l’Europe de nouveaux instruments militaires, Ursula von der Leyen n’envisage, par conséquent, aucun changement de doctrine militaire. Instrument de la Guerre froide, l’Alliance atlantique a survécu à la fin du communisme. Désormais plus populaire dans les anciens pays satellites de l’URSS que ne l’y est l’UE, elle est néanmoins appelée à se réformer.

Toutefois, faisant face à des Etats-Unis plus protectionnistes qu’interventionnistes, à une Chine en recherche de puissance et à une Russie à l’avenir politique incertain, les Européens n’ont pas encore intégré les changements géopolitiques dans leurs calculs stratégiques. Se croyant toujours sous la couverture du parapluie nucléaire américain, ils adoptent une attitude qui traduit une faiblesse dont ils n’arrivent pas à se défaire.

Privée avec le Brexit de la principale force militaire européenne et confrontée aux incertitudes nées du repli sur soi de l’administration américaine, l’UE se montre trop frileuse. Elle sous-estime les efforts militaires qu’elle devra déployer pour affronter les conflits pour lesquels l’OTAN ne lui sera d’aucun secours. Devant mettre ses actes en conformité avec ses propres paroles, elle n’a pas encore pris la dimension des choix cruciaux qu’elle devra opérer. Se heurtant entre autres à des obstacles financiers, militaires et tactiques, elle se dédouane d’une responsabilité, notamment nucléaire, que, tôt ou tard, elle devra bel et bien assumer. Victime de ses propres modes de pensée et de ses schémas éculés, elle se croit encore protégée par l’OTAN qui pourtant, du haut de ses septante ans, n’est plus ce qu’elle a été. Toujours trop fidèle à l’Alliance atlantique, l’Union européenne hésite à mener une réflexion de fond qui, dégagée de toutes œillères idéologiques et politiques, ne pourra pas faire l’impasse sur la seule question qui vaille, à savoir celle de la création et de l’existence d’une véritable armée européenne qui, s’exonérant peu à peu de l’OTAN, sera digne de ce nom.

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