La Liberté

La leçon occultée des européennes

Gilbert Casasus

Publié le 17.06.2019

Temps de lecture estimé : 3 minutes

Opinion

Très peu de commentaires sont revenus sur un phénomène de toute première importance qui a ébranlé le paysage politique après les élections européennes du 26 mai dernier. Durant près de sept décennies, nombre d’Etats s’étaient habitués à l’affrontement traditionnel entre la gauche et la droite. Laboratoire grandeur nature de la recomposition des forces politiques, l’Italie fut la première à se défaire du duel presque légendaire qui opposait le sabre et le goupillon d’un côté et le marteau et la faucille de l’autre. Vingt-cinq ans après, aucune démocratie occidentale ne semble être à l’abri des mouvements des plaques tectoniques qui secouent les croyances et les oppositions sur lesquelles s’étaient construits les systèmes politiques d’après-guerre.

A ne parler inlassablement que du populisme et de tous ses dérivés, presque personne n’a prêté la moindre attention à l’essentiel. Qu’ils soient de la droite classique ou de la gauche de gouvernement, plusieurs grands partis – ou dénommés comme tels – viennent de subir un échec historique. Avec comme signes avant-coureurs la descente aux enfers enregistrée par les socialistes français lors de la présidentielle de 2017 ou la perte d’influence de la démocratie chrétienne belge, les formations qui ont fait l’Europe viennent d’être partiellement défaites par cette même Europe.

Pour s’en persuader, il suffit de se référer à la République fédérale d’Allemagne, dont le système reposait, depuis sa création en 1949, sur l’omniprésence de ses deux partis phares, la CDU/CSU et le SPD. Aujourd’hui s’abandonnant dans une grande coalition qui n’a plus lieu d’exister, ils risquent de n’être que l’ombre d’eux-mêmes.

Plus encore que ce ne fut le cas pour la gauche déjà acculée dans ses derniers retranchements, c’est la droite parlementaire qui est sortie amoindrie des européennes. En France, en Italie, au Royaume-Uni, mais aussi dans une moindre mesure en Espagne et en RFA, son résultat a été des plus médiocres. Alors que certains conservateurs ont enterré tout espoir de reconquérir rapidement le pouvoir, d’autres se demandent désormais comment s’y maintenir. Cette question ne se pose pas pour la Suisse. Se sentant protégés par la sacro-sainte formule magique, les partis représentés au Conseil fédéral se retranchent derrière une exemplarité helvétique qui pourrait néanmoins se diluer dans un mouvement de plus grande ampleur.

Ne pouvant pas être éternellement statique, tout système politique est en effet appelé à évoluer et à accueillir de nouveaux éléments en son sein. Idem sous la Coupole de Berne, où les partis écologistes ne manqueront pas de demander leur part du gâteau. Tôt ou tard, la recomposition du gouvernement fédéral figurera à l’ordre du jour. Sauf qu’en Suisse, où contrairement au reste de l’Europe l’alternance démocratique au niveau national n’existe pas, les secousses se font ressentir avec un certain retard.

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