La Liberté

La presse romande en plein Tourbillon

Serge Gumy, Rédacteur en chef

Publié le 14.07.2018

Temps de lecture estimé : 3 minutes

Opinion

Les grévistes de Tamedia l’attendaient comme le Sauveur. Il aura bien vite douché leurs espoirs. «Dans sa forme actuelle, Le Matin est mort», déclare sans ambages Christian Constantin dans L’Illustré de cette semaine. Si le président du FC Sion s’intéresse à maintenir en vie le quotidien orange, c’est pour en faire un bimensuel consacré exclusivement au sport et financé en partie, c’est du moins son plan, par les clubs romands de l’élite du football et du hockey sur glace.

En homme d’affaires éprouvé, l’architecte et promoteur immobilier n’a pas vocation à perdre des millions de francs par année. Qui peut lui en tenir rigueur? Il est prêt malgré tout à prendre des risques pour que le sport romand conserve une vitrine médiatique autre que la RTS, en entrepreneur qu’il est – ce que même ses détracteurs doivent bien reconnaître. Et après tout, un Matin une semaine sur deux sur papier ne vaut-il pas mieux que plus de Matin du tout?

Voilà ce qu’on se disait avant de poursuivre la lecture de l’entretien donné par le grand manitou de Tourbillon. Celui-ci tacle en effet plus loin les journalistes, dont il critique la manière de penser «obsolète». «Ce que je veux dire», développe Constantin, «c’est que les événements que l’on crée, comme un match de foot de Super League, devraient davantage nous appartenir. Aujourd’hui, les journalistes et les photographes y accèdent gratuitement, disposent des meilleures places et leurs employeurs en font leur beurre. La TV paie des droits à la Ligue, les journaux devraient être traités de la même façon.»

Reprenons de volée les propos du mécène: pour lui, La Liberté devrait donc passer à la caisse pour suivre et relater les rencontres du HC Fribourg-Gottéron et celles du Fribourg Olympic. Ou alors accepter que des concurrents acquièrent l’exclusivité de la couverture des matches. On imagine l’effet d’ici: des suiveurs qui n’osent plus critiquer Bykov et Sprunger de peur que leurs dirigeants ne leur refusent l’accès à la patinoire la saison suivante. N’en déplaise à Constantin, qui jure qu’on pourra toujours contester le licenciement de son 133e entraîneur, la liberté de la presse risque de s’en trouver réduite. Comme serait réduite la visibilité des clubs eux-mêmes et de leurs sponsors.

Ce mélange des genres entre bailleur de fonds d’un média et organisateurs sportifs étonne en outre de la part d’un homme opposé à une aide des pouvoirs publics. «Subventionner la presse équivaudrait à revenir au temps de la Pravda en ex-URSS. L’enjeu est de trouver un modèle économique viable sans ce genre de soutien.» Christian Constantin ignore que cela fait vingt ans que les journaux le cherchent, en vain pour l’heure… Si le patron du FC Sion se prend de sauver la presse romande comme il a volé au secours de la candidature valaisanne à l’organisation des Jeux olympiques d’hiver 2026, le secteur a décidément quelques soucis à se faire pour son avenir.

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