La Liberté

Chris McSorley, le dur qui dure

«Bienvenue au club!» • Le patron de Genève-Servette, derrière son banc, a plus que jamais des allures de grand chef d'orchestre. Et même une partie du public fribourgeois admire...

On entend parmi les supporters fribourgeois depuis quelques jours: «Il faut reconnaître que les Genevois sont fort et ont , en plus, a un super coach...» © KEYSTONE/STEFFEN SCHMIDT
On entend parmi les supporters fribourgeois depuis quelques jours: «Il faut reconnaître que les Genevois sont fort et ont , en plus, a un super coach...» © KEYSTONE/STEFFEN SCHMIDT
Chris McSorley, le dur qui dure © KEYSTONE/MAXIME SCHMID
Chris McSorley, le dur qui dure © KEYSTONE/MAXIME SCHMID

Pascal Bertschy

Publié le 10.03.2016

Temps de lecture estimé : 4 minutes

L’important n’est pas de briller, de plaire ou de gagner à tous les coups. Non, l'essentiel, c’est de durer. Voyez Chris McSorley: quel type insupportable, celui-là! Avec lui, longtemps, certaines dents grinçaient jusqu’à perdre leur émail. 

Trop arrogant, trop gueulard, trop cinglé avec les arbitres, trop enclin à vouloir faire de notre ligue A une petite NHL, trop ceci, trop cela: on lui trouvait un peu partout en Suisse tous les défauts, voire plus.

Bref, en homme de caractère, le patron canadien de Genève-Servette pouvait savourer le bonheur de déplaire. Les chanceux! Lui et son équipe échappaient à la situation la plus déprimante qui soit pour un homme ou pour un club: n'avoir pas d'ennemis. 

McSorley semble avoir eu tout le monde à l’usure

Seulement voilà, aujourd’hui, le vent tourne. L’entraîneur des Vernets semble avoir eu tout le monde à l’usure. L’avantage de durer: les gens finissent par s’habituer à vous, à la longue, au point que même vos détracteurs en viennent à vous respecter.

Coach de Genève-Servette depuis quinze ans, autant dire une éternité à l'ère du zapping, McSorley en est arrivé là. A ce stade où, soudain, on inspire davantage de respect que de violentes allergies. Ce respect est la moindre des choses, je crois, quand on voit le maestro à l’œuvre dans l’actuelle série entre Servette et Gottéron.

Des allures de chef d’orchestre derrière son banc

Regardez-le: Chris McSorley, derrière son banc, a des allures de chef d’orchestre. Il a l’air de posséder une formule secrète lui permettant de sentir chaque battement de cœur de son philamornique. Il respire avec son ensemble, donne l’impression de ne faire qu’un avec lui. 

Et puis, cet agité si réfléchi vit le match de toutes les fibres de son corps. Il vibre, tempête, renifle tout, pousse ses joueurs, pèse sur les arbitres, tire sur toutes les ficelles du métier, et c’est assez épatant à voir. On jurerait un maestro parvenu au sommet de son art, de son expérience.

Là encore, la durée a produit son effet. Tout comme Arno Del Curto (relire cette chronique «Del Curto et McSorley, jumeaux terribles»), McSorley est un entraîneur bien meilleur et bien plus complet qu’il ne l’était il y a dix ans. Le McSorley de 2016 ne perdrait sans doute pas la finale de 2008, celle que Genève-Servette avait laissée bêtement filer contre Zurich. 

Un coach sous ecstasy?

On voit aujourd'hui un meneur à qui le temps a appris plein de choses, donné de la profondeur, sans lui enlever toutefois son grain de folie. Genève à cinq contre trois, dans l’acte II de la série contre Gottéron, et l’entraîneur qui sort soudain son gardien pour jouer à six contre trois: non, mais avez-vous vu ce truc de cinglé? Seul un coach sous ecstasy oserait tenter un tel coup, d’ailleurs plutôt idiot sur un strict plan technique. 

M’enfin! Il existe en Suisse deux entraîneurs qui peuvent tout se permettre et avec ces deux-là, au moins, le public ne s’ennuie pas. Du reste, semblable à Del Curto, McSorley conduit un véhicule à sa main et à son image. Il a construit son bolide pièce par pièce, le pilote avec l’air de savoir ce qu’il a dans le réservoir et jusqu’où il peut aller. 

Or ce Genève-Servette en a sous le capot. Il possède ce quelque chose qui amène en général une équipe en finale, voire plus haut. Mais stop! Nous n’en sommes pas là, nous sommes pour l’heure dans le quart contre Gottéron. Et le bonhomme y a déjà réussi ce prodige: forcer le respect d’une partie du public adverse. 

On aime détester Genève-Servette

A Fribourg, où on aime détester le club genevois encore plus qu’à Lausanne, commentaire entendu vingt ou trente fois depuis quelques jours parmi les supporters fribourgeois: «Il faut reconnaître que les Genevois sont forts et ont , en plus, un super coach...»

Ce n’était pas même dit contre Gerd Zenhäusern, le coach si gentil de Gottéron (lire aussi cette chronique «Gerd et les autres Zenhäusern») à qui nul ne voudrait de mal. Non, c’était dit avec une sorte d’admiration coupable pour ce vieux salaud de McSorley. 

Qu’est-ce qu’on avançait déjà? Ah oui: à force d’exister, de persévérer et de durer, les grands insupportables finissent souvent par devenir supportables. 

Retrouvez d'autres chroniques de Pascal Bertschy dans ce dossier

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