La Liberté

L'Ours malade de son arrogance

«Bienvenue au club!» • Berne patine dans la choucroute. Comment peut-on se planter pareillement en ayant tout et même plus que tout?

Pascal Bertschy

Publié le 28.01.2016

Temps de lecture estimé : 4 minutes

Un parfum de catastrophe monte dans la PostFinanceArena. C'est l'odeur du SCB actuel. Le grand Berne fait peine à voir en ce milieu des années 2010. Les play-out lui pendent au nez. S'il devait perdre à Ambri, ce vendredi, certaines dents grinceront jusqu’à perdre leur émail. Et l'Ours ira droit dans le mur, comme en 2014. 

Pour dire comme ce club est mal en point: à Fribourg, même les supporters de Gottéron n'arrivent plus à détester Berne. Si on nous avait dit ça en 2013! Un riche accablé de misères, cela étant, c'est divertissant. On aime bien voir les malheurs tomber sur les gros, cela prouve qu'ils ne sont finalement pas plus sucrés que les petits. 

Son malheur, Berne se l'est fabriqué tout seul. Comment peut-on se planter pareillement en ayant tout et même plus que tout? En se croyant meilleur que les autres, donc en ne jugeant pas nécessaire de bosser pour rester numéro un. Le SCB paie aujourd'hui le prix de son arrogance. Sans compter toutes ses idées folles, aussi, la première voulant que rien n'est jamais assez beau pour lui.

Aux yeux de l'Ours, depuis une douzaine d'années, trop peu de choses et trop de gens sont dignes de son rang. Le nombre d'entraîneurs qu'il a déjà congédiés durant cette période! Et la légèreté avec laquelle il a embauché des gens supposés éclairés, dont cet âne en costard qu'est Guy Boucher. 

Là-dessus, Berne s'est laissé griser par la bonne marche de ses affaires et par son succès commercial. Peu à peu, au sein de cette entreprise imposante et prospère, la partie sportive a cessé d'être au cœur des choses. L'équipe, censée être le bien le plus précieux d'un club, n'a pas toujours été la préoccupation majeure de ses dirigeants. 

Cela donne l'équipe que nous voyons maintenant. Triste équipe, sans alchimie, sans caractère, sans identité, sans plaisir. Et sans âme, osons le mot. Avec ce truc mystérieux qui ne s'achète pas, combien de fois vous ai-je déjà bassiné? Si l'argent suffisait à faire le bonheur, dans le hockey comme dans le sport en général, Rapperswil aurait été trois ou quatre fois champion suisse ces quinze dernières années. Au fait, quelqu'un a-t-il des nouvelles de Rappi?

La puissance financière d'un club, s'il ne s'accompagne d'un esprit maison, ne pèse pas lourd. L'âme de Berne, aujourd'hui, c'est en somme Eric Blum. Le défenseur est brillant, je ne dis pas, et il doit être très content de jouer au SCB. La capitale, pour vivre du hockey, il y a pire endroit que ça. M'enfin, Blum porte le maillot bernois comme il pourrait porter celui de n'importe quel autre grand club. Il n'est que de passage. Et ce ne sont jamais ces joueurs-là qui versent leur sang pour leur équipe, lui donnent une gueule.

Où est l'âme? Où sont la philosophie, la rigueur, la vision à long terme et le sérieux? Ils ne sont pas à Berne, en 2016, mais à Zurich, Davos, Genève et dans une moindre mesure Zoug. Ces quatre-là ne se croient pas meilleurs que les autres, ils se contentent simplement de faire ce qu'il faut pour devenir éventuellement le meilleur de la bande. 

Ces clubs-là possèdent comme par hasard un visage, c'est-à-dire des personnages doués d'autorité et de charisme, aptes à tracer une ligne et soucieux de ne pas faire n'importe quoi n'importe comment. Le grand patron Marc Lüthi et les autres sont bien gentils, à Berne, mais il devient urgent pour le club de trouver de nouvelles personnalités. Des tronches, tant dans l'équipe que dans les bureaux, des costauds qui donnent envie. Mais envie de voir le SCB redevenir lui-même, s'entend, et non envie de se prendre.

Les errements actuels de Berne, malgré tout, ont du bon. Ils amusent la galerie et c'est très bien ainsi. Personne ne prête attention, du coup, à la lente agonie de Kloten. Après avoir perdu déjà son âme, il y a quelques années, le plus vieux club de LNA a perdu cette saison son public. Il joue à domicile dans une ambiance de morgue. Pauvre Kloten, l'avenir lui tourne le dos. 

Une grande pièce de collection du hockey suisse s'apprête à disparaître. Tout pesé, c'est plus triste qu'un Ours lent à renaître.

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