La Liberté

L'ours qui a vu Roger Federer

«Bienvenue au club!» • Ce qui serait grand, évidemment c'est que le Bâlois gagne l'US Open. Histoire donc de soupeser ses chances, on a rendu visite à un grizzly qui connaît son Roger par coeur…

Pascal Bertschy

Publié le 20.08.2014

Temps de lecture estimé : 3 minutes

En cette veille d'US Open, je suis comme vous, je croise les doigts pour Roger Federer. Un dix-huitième titre en Grand Chelem, avouez, ce serait beau! Le plus fou, c'est qu'il peut le faire. Seulement, va-t-il le faire? Pour le savoir, je suis allé poser la question à un ami qui connaît le champion par cœur.

L'ami, camionneur à la retraite, a la soixantaine. Prénom Adrien, mais je l'appelle Grizzly. A cause de ses manières d'ours, de sa carrure, de ses airs de bourru au grand cœur, de ses grosses pattes, de son mélange de force brute et de finesse. 

Il n'est pas plus mal léché que la moyenne des ours, m'enfin, c'est un grizzly. Et comme tous les plantigrades, il sait ce qui est bon. La preuve, il ne rate aucun match de Federer. Son Roger, depuis des années, fait son miel. 

L'autre jour dans sa tanière, il m'accueille par un grognement. Qu'est-ce qui t'amène? Federer. Quoi, Federer? Ouais, ton Roger, j'aimerais savoir s'il gagnera l'US Open. Sais pas, j'ai quand même la trouille. De quoi? J'ai peur d'une défaite contre un Dimitrov ou un gars comme ça parce que le Federer de maintenant, quand il sort un grand match, tu peux en être sûr: derrière, il y aura aussitôt une couille.

Attends Grizzly, ce qu'il réalise depuis un an est phénoménal. Sa résurrection à l'âge du Christ tient du miracle! Et tu as vu le tournoi qu'il a réussi à Cincinnati? M'en parle pas, avec son deuxième set perdu en finale contre Ferrer, il m'a tué. C'est ce qu'il a dit, Adrien, tué. 

Depuis une douzaine d'années, Roger l'a fait mourir des centaines de fois. Une volée qui finit dans le filet équivaut pour l'ours à un coup de poignard. Chaque balle qui sort d'un centimètre est une balle que Federer lui tire en pleine poitrine, même si on n'entend aucune détonation. 

Dis-moi, ton champion, il ne te rendrait pas un peu fou? Ouais, mais qu'est-ce que tu veux, je l'aime tellement! Et il te fait toujours suer? Toujours. Je transpire dix fois plus que lui, qui est le seul joueur à ne pas dégouliner sur un court.

C'est vrai, Federer fait vraiment suer Adrien. Tout en émotions rentrées, le Grizzly ne regarde pas seulement les matches; il les vit. Il est si concerné et si concentré, devant sa télé, qu'il en ruisselle. Il transpire à grosses gouttes, perd des litres d'eau, voire des hectolitres en cas de cinquième set. 

Si tu veux, pendant Flushing meadows, je t'apporterai des serviettes-éponges. En attendant, reconnais, Federer est celui qui semble le plus affûté pour aller cueillir cet US Open. Et pis Nadal ne sera pas là, et pis Djokovic vole un peu en dessous de son altitude habituelle, hein Grizzly! Ouais, tu peux même ajouter que Djokovic s'est marié cet été. Et alors? Alors, on peut se demander quel genre de nuits il passer avec sa belle… 

Tu ne vas tout de même pas t'aventurer sur ce terrain-là, non l'ours, pas toi! Oh une femme passionnée, je sais ce que c'est. D'ailleurs, quand la mienne et moi avons regardé la finale de Cincinnati sur TeleClub, nous étions au lit. Ah bon? Au lit, oui. Et comme ma femme vivait le match encore plus intensément que moi, n'arrêtait pas de bouger et de gesticuler, tu n'imagines pas le nombre de coups de pied que j'ai pris.

Dis donc, entre les coups de revolver du Maître, les coups de pied de madame et tes coups de chauds, ta vie avec  Roger n'a pas l'air simple. Arrête, moi qui ai commencé à regarder le tennis avec Federer, je peux le dire: y'a pas sport plus crevant… 

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