La Liberté

Le MMA réduit ses champions à la condition de bêtes fauves

«Bienvenue au club!» • On avait déjà la boxe, le judo ou la lutte, sports de combat qui ne vont pas sans philosophie. Et puis maintenant, bonjour la régression, on a les arts martiaux mixtes…

Pascal Bertschy

Publié le 28.01.2015

Temps de lecture estimé : 4 minutes

L'autre soir à la Tele2 Arena de Stockholm, ai-je lu, il y avait 30'000 spectateurs pour assister à la plus grande réunion de Mixed Martial Arts (MMA) jamais organisée en Europe (la soirée «UFC on Fox: Gustafsson vs. Johnson»). Et pour voir finalement leur champion, l'archifavori Alexander Gustafsson, se faire démolir en moins de trois minutes par l'Américain Anthony Johnson. 

Les Suédois qui s'emballent pour le MMA, moi, ça ne m'étonne pas tant que ça. Ces gens étaient de fabuleux guerriers vikings, il y a quelques siècles, et faisaient trembler le monde. Depuis, dans ce pays qui a interdit la boxe professionnelle dès 1969, ça  s'est toutefois gâté. 

Les Suédois sont devenus ces gentils pousseurs de poussettes qui vivent au rythme de leur congé paternité et de leurs élections, où ils ont le choix de voter pour les sociaux-démocrates modérés ou pour les démocrates-sociaux pondérés. 

Cette férocité doit leur faire un bien fou

Pauvres Suédois. On n'imagine pas comme la brutalité et la sauvagerie doivent leur manquer. Du coup, on conçoit aisément leur engouement pour les combats de MMA. Tant de férocité doit probablement leur faire un bien fou!

Judo, karaté, lutte, voire à la rigueur taekwondo: les sports de combat m'ont toujours plu. Je peux même dire que j'aurai passé les quarante premières années de ma vie à adorer la boxe, cette reine du siècle dernier. Mais les arts martiaux mixtes, non merci, je n'y arrive pas. 

Même si j'ai pleuré en regardant «Warrior» (de Gavin O'Connor, 2011), qui est le plus beau film de sport du monde, les combats de MMA me font horreur. Bon, bien sûr, jamais je ne me permettrai de critiquer cette discipline devant un champion de MMA.

Voui monsieur, j'aime beaucoup ce que vous faites...

Non, c'est vrai. Face à un colosse tout en muscles capable de vous dévisser la tronche d'un coup de coude, je me montrerai toujours respectueux. Si le type me le demande, j'irai même lui chercher des sandwiches. Et j'ajouterai que j'adore le MMA, voui monsieur, j'aime beaucoup ce que vous faites.

C'est bon? Aucun champion de MMA dans la salle, vous êtes sûr? Bien, dans ces conditions, reprenons: il faut être sacrément fou et incroyablement courageux pour pratiquer un truc pareil, mais à part ça, quel sport de merde! 

Dignité et esprit, où êtes-vous? Le sport, le vrai, ce n'est décidément pas ça. Il ne consiste pas à mettre des athlètes en cage. Il n'a pas vocation à propager le goût du sang. Il ne vise pas à la soumission ou à la destruction de l'adversaire. Le sport ne sert pas à descendre, non, c'est tout le contraire!

Le sport a ceci de merveilleux qu'il permet d'aller plus haut. La boxe peut vous élever, vous grandir, y compris parfois au cours d'un voyage au tapis. Le MMA, c'est l'inverse. Il abaisse, réduit ses champions à la condition de bêtes fauves.

C'est ce truc-là qui a achevé la boxe

Bien plus impardonnable: les arts martiaux mixtes et leur phénoménale popularité ont achevé de tuer la boxe. Victoire de la barbarie sur la civilisation. La noble art est rempli de philosophie, de même que le judo et la lutte, et il dit toujours quelque chose sur la vie.

Au siècle dernier, imaginez, l'humanité a même eu droit au grand roman des rings. La boxe renseignait le monde sur son époque, marchait main dans la main avec l'histoire des hommes, enfantait des géants dont l'aura débordait le cadre du ring. Les arts martiaux mixtes, eux, sont enfermés dans leurs cages. Ils ne racontent rien, n'expriment rien sur leur temps. 

Quoique si, l'avènement de ce féroce spectacle indique tout de même que nous vivons dans un drôle de monde. L'humanité d'aujourd'hui s'améliore et avance sur de nombreux plans, tout en reculant sévère en d'autres domaines. Oui, tout compte fait, le succès du MMA dit ça: nos envies de régression, parfois, sont plus fortes que tout.

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