La Liberté

Le Teletext ne favorise pas la paix des ménages

«Bienvenue au club!» • Tout fout le camp. Les amateurs de hockey viennent de perdre leur sacro-sainte page 241. Heureusement, avec le Teletext, certaines choses ne changeront pas…

Ouf, je me sens moins seul! Il paraît que nous sommes encore plus d’un million, en Suisse, à consulter quotidiennement le Teletext sur nos différents écrans. © Dessin d'Alex (archive du 22 février 2015)
Ouf, je me sens moins seul! Il paraît que nous sommes encore plus d’un million, en Suisse, à consulter quotidiennement le Teletext sur nos différents écrans. © Dessin d'Alex (archive du 22 février 2015)

Pascal Bertschy

Publié le 03.12.2015

Temps de lecture estimé : 4 minutes

Ouf, je me sens moins seul! Il paraît que nous sommes encore plus d’un million, en Suisse, à consulter quotidiennement le Teletext sur nos différents écrans. D'ailleurs, vous l'avez vu, ce bidule vient de changer. Nouvelle grille, nouvelle gueule. Avec sa centaine de pages supplémentaires, le sport se taille la part de lion. Les gens du Teletext ont l’air de connaître leur public.

Le football suisse ne bouge pas. Nous devrons toujours consulter la page 202 pour savoir si Bâle a gagné largement ou petitement, ou si le Lausanne-Sport reste toujours le plus grand club de l’histoire du canton de Vaud. 

Le hockey, lui, est le migrant de l’histoire. Il occupe désormais la tranche 300-319, en sorte que la sacro-sainte page 241 saute à la case 301. Cette chère page 241! Elle aura été longtemps ma préférée. A égalité avec la 230, celle du championnat d’Angleterre de foot, qui se trouve maintenant en page 241. Vous suivez?

Moi, pas encore. Ne pas vous étonner, après, si je me mélange les pinceaux dans une prochaine chronique. Au cas où je vous raconterais que le Fribourg-Gottéron a été nul contre Liverpool ou que Mourinho a coaché comme un pied face à Davos, vous saurez que je serai encore un peu en rodage sur le nouveau Teletext. 

Le moment qui rend neuneu

Tout comme vous, pourtant, je finirai bien par m’y faire. Nous nous faisons à tout. Ce qui ne changera pas, en revanche, c’est cette bonne vieille habitude. Le plaisir d’allumer l’ordi, le vendredi et le samedi soir à la maison, pour savoir ce qui s’est passé.

C’est en principe le moment où je deviens neuneu et me mets à parler tout seul, à jurer dans ma tête. Merde, Federer a perdu contre l'autre trou de balle! Putain, ces nuls de Luganais ont battu ces cons de Berne! Fait chier, ces crétins de Manchester United n’ont pas été foutus de battre Norwich! On ne peut pas dire que le Teletext fait beaucoup pour enrichir mon vocabulaire.  

Bref je soliloque, j’insulte quelques champions, maudis en silence différentes équipes, et c’est en général à cet instant que ma flamme passe dans le coin. Ça va? C’est souvent ce qu’elle me demande en m’apercevant devant l’ordi au bureau. Ça va? Non, bébé, ça ne va pas du tout: Ambri et Langnau ont perdu.

Et là, alors là mes amis, j’entends aussitôt les mêmes refrains. Qu’est-ce que tu veux que ça change à ma vie? Et tu crois vraiment que ton sport de débiles m’intéresse? Voilà ce que j’entends, des horreurs comme ça. Eh bien merci, c’est agréable. 

Elles ne doivent pas être folles de ça

Quelque chose me dit que la clientèle du Teletext doit être surtout masculine. Je ne sais pas si vous avez une copine du même genre, mais ma flamme, elle, vous n'avez pas idée comme le sport ne l'intéresse pas. Ni comme ma fidélité au Teletext l’irrite, mais l’irrite! 

Je le sens bien les samedis soirs où nous sortons et rentrons tard, très tard. Tu ne viens pas au lit? Euh... oui poussin, tout de suite, mais je regarde juste deux minutes le Teletext si tu permets. Les deux minutes durent un quart d’heure et toi, à l’arrivée, tu passeras forcément pour un abruti.

Les femmes ne se rendent pas compte. Prendre connaissance de certains résultats et décortiquer un classement, cela prend du temps. Pour voir clair là-dedans, il faut même un grand esprit d’analyse, une certaine hauteur de vue et beaucoup de clairvoyance. Donc avis à celles qui l’ignorent encore, le gars qui a le nez dans le Teletext est tout sauf un abruti. 

On dirait Cro-Magnon

Rien à faire, pourtant. Durant ces brefs instants où un homme consulte la page 201 ou 301, une femme a volontiers tendance à se croire reléguée au second plan. Cette manie du Teletext, du coup, ça les vexe. Et les laisse un peu perplexes, aussi, elles qui ont soudain l’impression de vivre avec un Cro-Magnon.

Beuh, quelle comparaison! Cro-Magnon, lui, n’aurait même pas su dire si Wawrinka a passé le deuxième tour ou si Benji Conz a été bon contre Kloten. Peut-être aussi qu’il allait au lit en même temps que Cro-Magnonne, pour ne pas la froisser. Le type pas très fier et vraiment pas évolué, quoi...

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