Où Belmondo parle de sport

«Bienvenue au club!» • C'était l'autre samedi dans «L'Equipe Magazine». Un grand acteur évoquait ses souvenirs de sportif, ses champions, et c'était un pur bonheur!

Dans l'entretien que Belmondo a accordé à «L'Equipe Magazine», Bébel y parle de sport, de ses souvenirs, de ses champions, et c'est un bonheur quasiment à chaque phrase. © DR
Dans l'entretien que Belmondo a accordé à «L'Equipe Magazine», Bébel y parle de sport, de ses souvenirs, de ses champions, et c'est un bonheur quasiment à chaque phrase. © DR

Pascal Bertschy

Publié le 03.03.2016

Temps de lecture estimé : 4 minutes

Jean-Paul Belmondo a 82 ans, maintenant, et je le trouve beau à tomber. Avec sa gueule de vieux baroudeur, sa barbe et sa longue crinière blanches, son bon sourire canaille et son corps en partie figé par un accident vasculaire, Bébel a chopé une de ces majestés! C'est le Magnifique devenu plus magnifique que jamais.



Mais pourquoi est-ce que je radote sur un acteur dans une chronique sportive, moi? Ah oui: c'est parce que j'ai lu l'entretien que Belmondo vient d'accorder à «L'Equipe Magazine». Bébel y parle de sport, de ses souvenirs, de ses champions, et c'est un bonheur quasiment à chaque phrase. D'autant que le bonhomme, qui a été un boxeur semi-professionnel et un très bon gardien de football, sait de quoi il parle. 

Adolescent, il rêvait de devenir Marcel Cerdan. Belmondo est devenu une idole sur d'autres terrains de jeu, loin des gymnases, mais on peut dire que l'amour du sport a enchanté le cours de sa vie. Au conservatoire, pendant les cours de littérature, il se planquait au fond de la classe pour lire «L'Equipe». Plus tard, sur le tournage d'«Un singe en hiver» (1962), le jeune Bébel a apprivoisé cet ours de Gabin en commençant à lui parler de foot et de vélo. Le vieux adorait le vélo et, à partir de là, il s'est laissé approcher par le gamin.

Nastase faisait le pitre

Aux côtés de son fils Paul, ancien pilote automobile, Belmondo raconte toutes sortes d'anecdotes très drôles. Par exemple Ilie Nastase à Roland-Garros, dans les années 1970. Quand le génial Roumain venait contester une décision de l'arbitre et que l'acteur se trouvait dans la loge juste à côté, Nastase le prenait parfois à partie: «Hein, Belmondo, hein?» 

L'ancien casse-cou du cinéma français avoue au passage avoir touché à beaucoup de sports, mais moins qu'on ne l'imagine. Il dit de façon aimable: «Il y a beaucoup de sports que je n'ai jamais pratiqués, mais il n'y en a aucun que je n'aime pas.»

Emerveillé comme au premier jour

Cet entretien est un régal. On y découvre un ancien enfant de la balle que le sport émerveille comme au premier jour. Belmondo parle de foot, de boxe, de cyclisme, de tennis ou de rugby avec des images plein les yeux et cela lui procure aussitôt une prodigieuse bonne humeur. Illuminer l'hiver d'un vieil homme atteint dans sa santé, lui permettre de faire danser ses souvenirs et de retrouver ses rires d'enfant: si le sport servait juste à ça, dans la vie, il aurait déjà toute sa raison d'être.

Avec ça, je ne sais pourquoi, Belmondo et sa joyeuse poésie m'ont donné la nostalgie d'une époque que je n'ai pas connue. Celle où les artistes et les champions marchaient côte à côte au soleil, semblaient appartenir au même monde. Il faut imaginer cela. Jean Cocteau, prince des poètes, s’amourachant du boxeur Panama Al Brown et relançant sa carrière. Le grand Michel Simon heureux d'aller voir jouer Servette aux Charmilles. Jean Tinguely comme un gosse devant Jo Siffert. 

Mailer et Ali, Polanski et Jackie Stewart

On continue? Antoine Blondin prenant la roue d'Anquetil et Poulidor. Steve McQueen, le dieu de l'écran, complètement gaga devant les coureurs automobiles. Roman Polanski tournant un documentaire d'enfer sur son ami Jackie Stewart. Norman Mailer retombant en enfance devant Mohamed Ali. Ou, moins poétique et plus rigolo, le président Elton John embauchant ses joueurs de Watford comme choristes.

Aujourd'hui, dirait-on, artistes et champions représentent deux mondes. Ils continuent de se croiser et de se faire des mamours, bien sûr, mais de préférence dans des loges VIP et sur les plateaux télé. Une fraternelle complicité s'est évanouie au fil du temps. Tous ces jeunes gens propres sur eux, d'un côté comme de l'autre, règlent leur carrière comme un thermostat. Ils ne sont pas du genre à s'avancer sur des passerelles, ce qui ne favorise guère les échanges ou les élans.

Chacun chez soi et les vaches seront bien gardées. Ouf, la plupart des dieux du stade l'ont échappé belle! Imagine-t-on Lionel Messi ou Karim Benzema copinant avec un grand metteur en scène? Et se rendant au théâtre pour voir une pièce de Shakespeare ou «Cyrano»? N'y pensons pas. 

Il n'empêche, en ces temps lointains où artistes et athlètes formaient une sorte de famille secrète, le tableau ne manquait pas d'allure. Et Belmondo, pour en revenir à lui, usait de son punch de boxeur pour lâcher ses répliques. Ma préférée reste celle de «Cent mille dollars au soleil» (1964): «Quand les types de 130 kilos disent certaines choses, ceux de 60 kilos les écoutent.»

Ce dingue de sport a toujours su de quoi il parlait.

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