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Les nouveaux révisionnistes

Les nouveaux révisionnistes
Les nouveaux révisionnistes

Gilbert Casasus,

Publié le 30.10.2019

Temps de lecture estimé : 3 minutes

Opinion

Cela fera trente ans. Trente ans le 9 novembre prochain que le mur de Berlin est tombé. Et comme si de rien n’était, trente ans après, les modes de pensée restent partiellement figés. Toujours en vogue, la comparaison des systèmes politiques entre l’Est et l’Ouest ne relève pas seulement d’une aberration scientifique, mais aussi d’un nouveau révisionnisme historique et politique. L’opposition voulue et soigneusement entretenue entre les «deux parties de l’Europe» n’est que l’expression d’une incapacité intellectuelle à analyser et à comprendre les changements intervenus depuis la disparition du rideau de fer.

Avec l’adhésion à l’OTAN et à l’Union européenne de la plupart des Etats naguère placés sous influence soviétique, la géopolitique européenne de 2019 n’a plus rien à voir avec celle de 1989. Idem pour les politiques mémorielles qui, à l’exemple de celles des républiques soviétiques baltes et de la Russie, se heurtent désormais les unes aux autres. Quant aux explications qui voudraient que les démocrates soient à l’Ouest et les extrémistes à l’Est, elles ne méritent même pas d’être prises en considération: Jaroslaw Kaczynski et Viktor Orban ne sont pas plus les héritiers du marxisme que ne le sont Marine Le Pen ou Matteo Salvini. En cette année de commémoration, un relent d’anticommunisme souffle à nouveau à travers l’Europe.

Illégitime et déplacé après l’échec historique d’une idéologie aujourd’hui condamnée, ce débat n’est pourtant pas à prendre à la légère. Il traduit un mal-être intellectuel d’une société qui, parce qu’ayant voulu décréter «la fin de l’histoire», n’est pas encore parvenue à reconnaître ses propres errements politiques. Elle se réfugie alors dans de vagues récits historiques, aussi superficiels qu’aléatoires. A l’exemple de remplacer à l’endroit même du pouvoir de feu la RDA un «palais de la République» par un «forum du post-colonialisme», elle ne pense qu’à régler ses comptes avec le passé en lieu et place de penser l’avenir d’une Europe qui, il y a trente ans, avait pourtant réussi à surmonter sa division.

A ne procéder que de la sorte, le modèle démocratique pourrait en faire les frais. Appelé de leurs vœux en 1989 par les Européens de l’Est, celui-ci subit les contrecoups d’une attaque en règle dont la cible est une histoire aujourd’hui enfouie. Quotidienne, dure et contradictoire, elle était celle d’hommes et de femmes qui, par leur propre force et leur courage, ont su se libérer du joug de la dictature. En ne les écoutant plus, en clouant leur culture au pilori, en n’admettant pas qu’ils rêvaient aussi et naïvement à «un socialisme réellement démocratique», les nouveaux révisionnistes, qu’ils soient de droite mais aussi de gauche, endossent une responsabilité énorme. Attribuant à tort les succès électoraux de l’extrême droite au passé communiste, ils sous-estiment les prémices d’une nouvelle radicalité dont ils n’ont pas perçu les causes. Pire, ils les ont nourries.

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