La Liberté

Rénover et en faire profiter

Séjourner dans une maison de petits paysans bernois datant de 1850? C’est possible grâce à la fondation Vacances au cœur du patrimoine

A un moment donné, il semblerait que cette coquette Taunerhaus et son joli Ründi, qu’on peut admirer 
sur la photo 
du milieu, ne cassaient pas trois pattes 
à un canard… Difficile 
à croire aujourd’hui. © Alain Wicht
A un moment donné, il semblerait que cette coquette Taunerhaus et son joli Ründi, qu’on peut admirer 
sur la photo 
du milieu, ne cassaient pas trois pattes 
à un canard… Difficile 
à croire aujourd’hui. © Alain Wicht

Aurélie Lebreau

Publié le 22.09.2020

Temps de lecture estimé : 6 minutes

Architecture » Autant être francs. Avant d’être invités par la fondation Vacances au cœur du patrimoine à découvrir une Taunerhaus logée au pied de l’église médiévale de Vinelz, dans le canton de Berne, nous n’avions jamais mis les pieds dans cette localité. Située à une encablure du lac de Bienne, nous ignorions même jusqu’à son existence. Un manquement aux beautés helvétiques heureusement comblé. Depuis, nous avons admiré un paisible village, magnifiquement entretenu et rehaussé depuis quelques jours d’un nouveau trésor: une maison de petits paysans (Taunerhaus venant de Tagelöhner, qui signifie payé à la journée) datant de 1850. L’objet vient d’être restauré par le bureau d’architectes biennois et fribourgeois 0815 Architekten et aménagé par l’agence zurichoise Selected Interiors. Une réussite. Et le plus beau dans cette histoire, c’est que tout un chacun peut dès à présent louer ce bijou pour y passer des vacances.

Inaugurés au début de ce mois, la fermette et son académique Ründi, cet arc en plein cintre boisé sous l’auvent, typique du canton de Berne, auront nécessité cinq ans de soins attentionnés pour dévoiler une beauté insoupçonnée, de l’aveu même de l’architecte Ivo Thalmann qui a géré le chantier. «Il existe deux types de rénovations, explique le cofondateur de 0815. Les maisons déjà super et dont il s’agit de conserver la valeur. Et les autres, moins belles à la base, qu’il faut révéler.» Désaffectée durant de longues années, la Taunerhaus a été donnée par ses propriétaires à la fondation Vacances… fin 2015. «Et elle faisait clairement partie de la seconde catégorie, sourit Ivo Thalmann. La maison penchait en raison de ses diagonales en colombage qui avaient été mal conçues à la base. L’une de ses façades était recouverte d’Eternit, tandis que de l’autre côté, d’étranges ajouts avaient été faits. Nous avons aussi retrouvé des bois provenant d’ailleurs et un escalier qui ne faisait pas partie de cette construction. Honnêtement, des maisons comme celle-ci sont souvent détruites.»

La Taunerhaus a donc eu très chaud, si l’on se fie à cette analyse que l’on ne saurait remettre en question. Mais il est vrai qu’aujourd’hui, on peine à imaginer la baraque mal fichue que cette fermette a été par le passé. «Nous avons découvert qu’il y avait en fait deux logements, après avoir trouvé une seconde cuisine à l’étage», ajoute Kerstin Camenisch, secrétaire générale de la fondation Vacances au cœur du patrimoine.

Il n’était pas élancé

Aujourd’hui un ordre nouveau et apaisant règne sur la maison. La grange transformée, amplement vitrée, accueille une cuisine au volume cossu ainsi qu’une salle de bains à l’étage, toutes deux à faire pâlir d’envie. Dans l’habitat originel se trouvent désormais au rez une chambre et le salon, dont le plafond bas frappe (presque autant au propre qu’au figuré): assurément le paysan bernois du XIXe siècle n’était pas élancé. Entièrement boisée et peinte dans des nuances de gris pâle et de vert tilleul, la pièce accueille un imposant poêle à catelles. Autant dire que cette partie traditionnelle contraste fortement avec l’ajout conçu dans l’ancienne grange. «Aujourd’hui nous ne sommes plus habitués à des plafonds si bas, par exemple. Notre réflexion ici a donc été de trouver un compromis entre nouveau et originel, entre confort et vie d’autrefois», pose l’architecte biennois.

Un chantier à 800’000 francs

Nul doute que l’équilibre entre passé et présent a été atteint. L’ameublement s’avère résolument contemporain – il ne restait aucun meuble d’époque –, mais suffisamment sobre pour se marier harmonieusement avec les murs vénérables. Bois naturel ou peint, métal, briques de l’étable, tout se fond en une agréable évidence.

«Honnêtement, des maisons comme celle-ci sont souvent détruites.»
Ivo Thalmann

Du cellier aux chambres de l’étage, Kerstin Camenisch savoure le résultat final. «Si ce projet s’est étalé sur cinq ans, c’est notamment en raison des financements qu’il a fallu trouver, détaille-t-elle. Le chantier aura coûté 800’000 francs, honorés par des dons et du sponsoring (le fruit des locations sert à l’entretien des bâtiments, ndlr).»

Un travail extrêmement soigné qui plaît aux connaisseurs de la fondation Vacances au cœur du patrimoine, toujours plus nombreux. «Si au début de la pandémie nous avons été contraints de suspendre toutes les locations, quand le Conseil fédéral a assoupli ses mesures nous avons été totalement pris d’assaut», confie Kerstin Camenisch. Impossible donc cet été de trouver l’une de ces perles historiques à louer. «Et aujourd’hui encore, tout est pris», poursuit la secrétaire générale de la fondation. A vrai dire, cela n’a rien de surprenant, à arpenter la délicieuse Taunerhaus de Vinelz…

» Taunerhaus, Vinelz, location pour six personnes, dès 1100 francs la semaine.


De tous types

Créée en 2005 par Patrimoine suisse, la fondation Vacances au cœur du patrimoine propose à ce jour près de 40 objets à la location (pour deux et jusqu’à dix personnes), en différents lieux de Suisse, dont l’immense majorité en Suisse alémanique et au Tessin. Outre l’ancestral chalet, il est aussi possible de passer des vacances dans d’anciennes maisons de pêcheurs, mais aussi d’artisans, de paysans ou de bourgeois. Parmi toutes ces bâtisses, relevons l’ancienne tannerie de Stampa (GR), exploitée par l’arrière-grand-père d’Alberto Giacometti…

Conserver des bâtiments historiques de tous types et en faire profiter ceux qui le souhaitent, telle est la mission de la fondation. Toujours à la recherche de nouveaux objets à rénover et d’argent pour y parvenir, elle étend son action avec Patrimoine suisse. Ensemble les deux structures viennent de lancer une plateforme baptisée Marché Patrimoine. Son objectif: mettre en relation des acheteurs potentiels et des propriétaires de bâtiments historiques souhaitant les vendre. Avec toujours la volonté de préserver la diversité du bâti en Suisse. AL

www.ferienimbaudenkmal.ch et 
www.marchepatrimoine.ch

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